Caroline Faillet, netnologue (spécialiste des mécanismes d’influence et de propagation à l’œuvre sur le digital et auteure de l’Art de la guerre digitale[1]) est venue nous présenter les trois révolutions numériques sous l’angle sociologique des rapports entre l’entreprise et le consommateur, avant de nous livrer sa vision de ce que devrait être un business model à l’ère du 3.0.
Une remise en perspective limpide[2] qui devrait vous permettre de vous positionner en connaissance de cause sur le web.
Mardi 4 octobre 2016, Caroline Faillet nous a expliqué comment, en quinze ans, le numérique avait impacté notre société de façon si profonde et permanente, qu’il n’est plus possible de l’ignorer. À l’instar de l’invention de la machine à vapeur, le web a totalement révolutionné nos usages… et changé la face du monde. L’une des conséquences et non des moindres, est que les cartes des jeux d’influences entre les citoyens et les pouvoirs politiques, autorités scientifiques, médiatiques et économiques ont été complètement rebattues… au profit du citoyen consommateur.
Pour mémoire :
Web 1.0 : l’avènement du moteur de recherche permet à tout un chacun de vérifier la véracité de ce que l’on lui dit. L’entreprise ou les pouvoirs établis auront beau servir un discours calibré à la perfection sur un site internet impeccable (sites plaquettes), rien n’empêchera plus le consommateur d’aller se renseigner plus avant. « La qualité parle d’elle-même ? », « c’est ce que l’on va voir » répond l’internaute. C’est la génération du fact checking.
Ceux qui l’ont saisi développent alors des sites internet user centric et tentent de se tailler une image de thought leader (le leader intellectuel, celui qui montre la voie) : ils partent à la rencontre du consommateur et se proposent de l’éclairer sur leur produit (c’est que qu’a su faire Booking.com). L’enjeu n’est donc plus de communiquer mais de savoir informer.
Web 2.0 : avec l’explosion des réseaux sociaux, les internautes débriefent en temps réel sur leur expérience. La qualité du service n’a plus guère de valeur, comparée à la recommandation des utilisateurs, et l’on assiste à des phénomènes de soutien spontané et/ou des campagnes de dénonciation d’une puissance sans précédent.
Les entreprises perdent ainsi le contrôle du timing, du contenu et des moyens de diffusion.
Celles qui sont dans le coup réalisent qu’il est vain de chercher à asséner sa vision, mais qu’il convient plutôt d’échanger avec le citoyen consommateur (voir Tripadvisor) : il faut dialoguer et non pas communiquer.
Web 3.0 : les data, combinées aux nouvelles technologies permettent de développer des applications inédites, qui ont pour objet de « faciliter la vie ». Ce sont les services facilitateurs (géolocalisation, mise en relation, aide à la décision…), qui permettent au consommateur d’être de plus en plus autonome et de s’affranchir des marques, des intermédiaires, des distributeurs… C’est u consommateur augmenté.
Parmi les entreprises, les nouveaux barbares (Uber…) ont compris qu’il fallait répondre à ce besoin d’empowerment et ont su exploiter les data pour donner aux utilisateurs la possibilité de s’exprimer (Airbnb). Les utilisateurs deviennent alors producteurs, financeurs, fournisseurs de données etc. La nouvelle perception de la valeur par le consommateur fait bouger les lignes des filières économiques. L’enjeu n’est toujours pas la communication, mais bien de proposer de l’innovation de service au consommateur augmenté.
Et de ce dernier point de vue, il faut comprendre que la révolution numérique n’affecte pas que la relation client mais aussi l’organisation interne de l’entreprise (puisque dans notre monde liquide, nos collaborateurs sont aussi nos utilisateurs, nos ambassadeurs… ou nos détracteurs).
Alors, quelle stratégie adopter ?
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Les ruses de Sun Tzu :
Avant tout, ne plus résister aux révolutions numériques mais plutôt les accompagner. Donc cesser de considérer le web comme un outil, mais reconnaître sa dimension stratégique de 1er rang.
Ensuite, ne plus quitter des yeux les conséquences sociologiques et les évolutions des usages qu’il suscite : refuser de cantonner son entreprise au rôle d’annonceur mais plutôt en faire une entité qui informe, dialogue et facilite la vie des gens. Autrement dit, adopter la posture du « veilleur », qui essaie de comprendre le monde qui l’entoure.
Pour ce faire, Caroline Faillet propose de s’inspirer des recommandations de Sun Tzu :
Connaître le terrain : cartographier le web, connaître ses propres frontières et repérer celles des autres. Cependant, dans un monde devenu liquide, il faut garder à l’esprit que « tout le monde est en lien avec tout le monde » (clients, concurrents, détracteurs, employés ou actionnaires) et que chacun est susceptible de diffuser une information… que nous ne pouvons pas contrôler.
Repérer des cibles : puisque tout le monde parle ensemble, il faut repérer qui est en lien avec qui, qui influence qui, et définir quelles sont les cibles stratégiques (celles à écouter, celles auprès desquelles monter des plans d’actions, etc.).
Comprendre les parcours d’influences : ensuite, observer ces cibles pour déterminer quels sont les ensembles de points de contacts qui vont faire que les gens vont agir, soutenir, acheter un produit.
Ne pas se disperser : cette analyse faite, l’on peut alors concentrer ses forces au bon endroit. Comprenez, se positionner sur le réseau qui convient à son secteur, y prendre la place de thought leader, plutôt que de s’éparpiller sur la toile.
Travailler les parties prenantes : pratiquer « l’union nationale », avoir en tête que nos concurrents actuels seront peut-être nos partenaires de demain, etc. Par conséquent, faire travailler la coopération (sur le modèle de la pax romana) avec toutes les parties prenantes (comme a su le faire Apple avec l’Iphone, qui héberge les applis).
Pratiquer l’effet de surprise : innover, être à l’écoute du consommateur augmenté (voir Waze). L’entreprise 3.0 doit être data driven, intégrer en sans cesse les feedbacks afin de faire évoluer son offre. Car hors du mode itération permanente sur son propre modèle et sans compréhension des nouveaux équilibres de valeurs, point de salut !
Voici donc un business model qui devrait nous éviter de laisser passer le train de la révolution 3.0 et nous permettre de voir arriver l’ère 4.0.
Pour conclure, Caroline Faillet nous a fait à juste titre remarquer que nos nouveaux usages sont liés à des offres de service que nous avons connu 1- parce qu’elles sont sur notre parcours d’influence (et en aucun cas grâce à la pub), 2 – parce qu’on nous en a parlé et 3 – parce que ces services évoluent en permanence… pour mieux nous servir.
À bon entendeur… 😉
Épilogue
Sun Tzu dirait : maîtrise les parcours d’influence, personnalise ton offre, surveille l’expérience client/collaborateur et innove sans relâche !
[1] – paru en mai 2016 aux éditions Dunod.
[2] – rendez-vous sur https://www.youtube.com/watch?v=WcFpTDB2tho