Pour rester dans la course, les entreprises doivent miser sur la complémentarité de leurs talents, la variété de leurs profils, et travailler à l’enrichissement de leur écosystème.
Pour faire le point sur les enjeux de l’acculturation des équipes et la nécessité de mixer les compétences pour grandir et « performer », Wojo a réuni autour de la journaliste Laura-Jane Gautier un panel d’experts hautement complémentaires :
- Jean-Jacques Thomas, directeur Innovation, SNCF réseau
- Florence Caghassi, Startup & Open Innovation program manager, TF1
- Nico Valenti Gatto, principal Business Development, Partech Venture
- Théo Dorp, cofondateur et COO, Crème de la Crème
- Jean Perret, cofondateur, Artips
De gauche à droite : Laura-Jane Gautier, Nico Valenti Gatto, Florence Caghassi, Jean-Jacques Thomas, Théo Dorp et Jean Perret
Tout le monde a l’intuition que la performance peut se booster, et rêve de mettre la main sur la recette de ce shoot de vitamines. Cette table ronde avait pour ambition de créer une discussion autour ce qui peut contribuer à « faire pousser » une entreprise. Au détour de discussions sans langue de bois, bien plus en est ressorti : si les opinions étaient utilement nuancées, tous étaient d’accord pour affirmer que l’aptitude à l’innovation était la clef.
C’est quoi, être innovant ? 1er tour de table
Plus qu’avoir une « nouvelle idée », innover serait plutôt savoir réagir et se monter créatif face à des marchés qui bougent (Florence Caghassi) : ainsi, quand l’internet et les réseaux sociaux ont conquis les ados, la télévision a dû se réinventer. « Innover », ce n’est pas aller sur le terrain du partage de voie ferrée par exemple quand on s’appelle SNCF, précise Jean-Jacques Thomas, mais plutôt sortir de la mobilité ferroviaire : car une nouvelle idée, c’est déjà très bien, mais ce n’est pas encore de l’innovation.
Ainsi l’innovation en entreprise est plus qu’une invention, il s’agirait plutôt d’un état d’esprit, d’une capacité à sortir du cadre. Et Théo Dorp précise d’ailleurs que ce n’est pas l’entreprise, qui est innovante, mais bien les hommes. Selon Jean Perret, ce sont effectivement ces derniers qui cherchent à imaginer mieux, ou différemment, par rapport au process établi en entreprise. Or l’innovation est bien la volonté et l’aptitude à remettre en question quelque chose qui fonctionne.
Une façon de voir les choses, nuancée toutefois par Nico Valenti Gatto : pour avoir l’impact souhaité, une telle mission reviendrait plutôt à des équipes dédiées. Comme l’explique Florence Caghassi, au sein de grands groupes, il est indispensable de processer le travail. Ainsi, dans le cas d’un JT quotidien (qui implique déjà une bonne dose de réactivité et d’improvisation), il serait délicat pour les équipes de chercher à le bousculer.
Alors, affaire de volonté ou qualité intrinsèque ? Les deux mon Capitaine, le creuset idéal étant bien entendu :
- un management et des RH qui donnent les moyens (humains, en temps, techniques et matériels) aux collaborateurs pour réfléchir hors du cadre ;
- des hommes pourvus des qualités requises, à savoir l’envie de faire mieux, différent, de s’éloigner de sa zone de confort… Le rêve ultime étant, pour Jean-Jacques Thomas, que cette culture de l’innovation irrigue toutes les branches du groupe et que tous les employés en deviennent acteurs.
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Mais comment faire infuser la culture de l’innovation dans un grand groupe ?
Pour drainer cette envie d’innover, les recettes sont variées : chez SNCF, ce seront des « ambassadeurs de l’innovation » qui donnent des conférences en interne, des partenariats avec des start-up pourvues d’une technologie utile et dont l’agilité créera un véritable choc culturel au sein de l’équipe métier concernée. Même volonté d’open innovation chez TF1, mais aussi un concours interne de pitchs afin de permettre à tous les talents de s’exprimer… et enfin, une même formation adressée à l’ensemble des 250 métiers du groupe pour porter un message fort sur les enjeux du digital, de l’agilité, etc.
Cependant, si sensibiliser les équipes est un prérequis incontournable, ce n’est qu’une première étape. Il faut ensuite les inciter à se manifester…
Identifier les talents en interne : un challenge
Selon Florence Caghassi en effet, il reste difficile de repérer les compétences des collaborateurs : force est de constater que les plateformes internes et autres réseaux sociaux d’entreprises, qui devraient permettre d’identifier les velléités d’innovation, ne séduisent pas suffisamment les employés (l’on trouvera paradoxalement plus d’informations utiles sur leur profil LinkedIn !). Une tendance regrettable, puisque Florence Caghassi note que lorsque les collaborateurs expriment leurs idées, c’est la plupart du temps pour contribuer à TF1 et non pour lancer leur propre business.
Clairement, selon Nico Valenti Gatto, les grands groupes (français, notamment) investissent très largement dans les entreprises susceptibles de leur apporter des opportunités de développement et de collaboration : le but n’est pas tant que récupérer de l’argent que d’avoir accès aux talents. Et pour Jean Perret, les grands groupes devraient aussi penser à investir dans les soft-skills de leurs équipes (rien de tel que l’ouverture d’esprit pour penser hors de la boîte…).
Et effectivement, le besoin d’innovation contraint les entreprises à aborder les ressources humaines sous un angle différent.
Le mix CDI/freelancing, le remède à tous les maux ?
Crème de la crème a donné le ton : désormais des salariés (très qualifiés ou simplement pourvus de qualités recherchées) offrent leurs services à d’autres entreprises pour des missions ponctuelles. Un système qui permet aux premiers de « s’aérer » ou tester leur idée en toute sécurité, et aux secondes de trouver des compétences qui leur font défaut, ou dont elles n’ont besoin que ponctuellement. Selon Théo Dorp, il ne fait aucun doute que cette tendance va se généraliser, un grand nombre de personnes devenant alors part time (mi-salariées, mi-freelances).
Toutefois, comme le font remarquer Florence Caghassi et Jean-Jacques Thomas, nombre de métiers ne se prêtent pas au freelancing. Pour certains d’entre eux, une évolution naturelle pourrait aussi être de passer du salariat au régime indépendant… Dans tous les cas, il est certain que le paysage socioprofessionnel bouge et c’est une bonne nouvelle pour les entreprises qui recherchent de nouvelles compétences.
Alors, que retenir de ces échanges ? Certainement que les entreprises cherchent des talents, des façons de penser alternatives, de l’audace et de la ténacité… Salarié, entrepreneur, free-lance, si vous vous sentez pourvu de cette qualité rare qu’est l’envie d’innover, si vous aimez prendre les problèmes à l’envers, ou tout remettre à plat (même si « ça marche très bien comme ça »), faites-vous connaître : exprimez-vous sur votre réseau social d’entreprise, inscrivez-vous à des concours de pitch ou des ateliers, et secouez votre manager (ou montez votre boîte), car c’est bel et bien vous qui avez raison !
Et une fois lancé, sachez vous entourer… de façon à ne jamais tomber dans le piège du confort : quand bien même votre recette « marcherait du feu de Dieu », si vous n’innovez pas dans votre secteur, un autre le fera pour vous. La morale de l’histoire ? C’est que seul, on va plus vite, et ensemble on va plus loin. Alors tous ensemble tous ensemble hé, hé !
Bonus / astuce ! Que faut-il savoir quand on cherche un investisseur ?
Tout d’abord, explique Nico Valenti Gatto, vous devez évidemment tout savoir sur l’offre existante et être pertinent par rapport à elle.
Ensuite, dites-vous bien que l’investisseur a en tête de récupérer son argent avec une plus-value : la taille de votre marché doit donc être en (très) grande croissance et votre technologie doit être en rupture. Par conséquent, mieux vaut commencer avec un petit market share dans un grand marché, que l’inverse.
Enfin, ne vous précipitez pas : vous devez être en position de choisir votre investisseur, car vous aurez ensuite à travailler en équipe avec lui sur le long terme.
En résumé :
– Surveillez votre niveau de rupture
– Vérifiez la taille du marché
– Gare au feeling
Bonus : le succès est-il un coup de chance ?
Si Jean Perret (cofondateur d’Artips) s’estime chanceux en effet, il nous a toutefois mis la puce à l’oreille : si Artips n’avait pas fonctionné, il a la conviction que lui et son acolyte (Coline Debayle), auraient de toutes les façons fini par créer une entreprise qui marche. De là à penser que c’est plutôt l’esprit entrepreneurial qui attire « le bol », il n’y a qu’un pas.
Un soupçon confirmé par Théo Dorp (cofondateur de Crème de la crème), pour qui la notion de timing prime sur celle de chance : en plus d’une détermination absolue à vouloir « monter sa boîte » (Crème de la crème ou une autre), ce sont le bon sens, la capacité à bien s’entourer et à croire en le collectif qui appellent le succès. Ensuite, savoir motiver ses équipes et leur donner le goût du dépassement de soi est la garantie d’une meilleure longévité.
La table ronde en vidéo
https://www.facebook.com/WojoBusinessHumanizer/videos/750733151794954/