« Lever des fonds n’est pas une fin en soi. » Voilà ce qu’affirment en cœur Xavier Milin, auteur de Lever des fonds, comprendre et maîtriser toutes les étapes (Diateino, mars 2018), et Benjamin Dresner, cofondateur de la plateforme d’aide au financement Finamatic. Tous deux étaient reçus chez Wojo par Patrick Coquart, vice-président du Club de Lecture Affaires pour l’Europe francophone. Ils nous apporté un éclairage humain, sur une démarche qui pourrait bien changer le cours de votre vie.
La levée de fonds : on y va ou pas ?
Une levée de fonds doit être envisagée si et seulement si vous éprouvez l’impérieux besoin de faire croître votre entreprise. Autrement dit, si vous êtes arrivé à la fin d’un cycle et que vous souhaitez monter une marche supplémentaire (passer d’un concept à un prototype, ou attaquer un autre marché). Cette condition remplie, êtes-vous prêt à perdre en partie le contrôle de votre bébé ? Car lever des fonds, c’est aussi accepter qu’un partenaire se mêle désormais de votre stratégie, voire impose ses choix… Oui ?
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Prendre le temps de la réflexion
Avant de vous demander comment lever des fonds et entamer ce processus long et chronophage, faites une pause nécessaire. Votre projet sera scruté et décortiqué, en mettant parfois en lumière ses points faibles. Xavier Milin avertit : » Ne commettez pas l’erreur de chercher à lever des fonds pour continuer d’avancer sur un chemin manifestement voué à l’échec : écoutez les autres ! » Si les portes restent closes, peut-être est-ce le signe que le projet n’est pas viable sur le long terme. Est-ce vraiment bénéfique de s’obstiner à trouver un business angel plus joueur (ou moins aguerri ?) que les autres pour investir dans un projet qui causera votre perte ? La question mérite d’être posée.
« Il existe trois grandes causes d’échec chez les entreprises, et elles interviennent à part égale. Soit le produit ne correspond pas à un besoin ; soit une mésentente survient entre les associés ; soit enfin, la structure rencontre des problèmes de trésorerie » explique Benjamin Dresner.
Par ailleurs, si votre affaire tourne bien et que cela vous convient, alors, n’y allez pas ! « Nombreuses sont les entreprises qui grossissent tranquillement sans jamais lever de fonds, confie Xavier Milin. On en parle peu, parce qu’elles restent sous les radars du buzz. Pourtant, elles décrochent d’énormes marchés. » Vous pensez tout de même être mûr, et avez besoin d’argent pour changer d’échelle ? Alors allons-y.
Quand penser à la levée de fonds ? Gare à la synchro !
Benjamin Dresner rappelle que tous les fonds n’ont pas vocation à intervenir au même stade de développement d’un projet. La « vie financière » d’une entreprise se décompose en 1, la phase d’amorçage, et 2, l’early stage.
En phase d’amorçage comme en phase d’early stage, un fonds d’investissement regardera la santé financière de votre entreprise, dans l’optique de déterminer en quoi il peut vous aider. Un conseil : si vous entrevoyez le moment où vous serez prêt à grossir, n’attendez pas d’être en difficulté pour lancer votre démarche, quitte à lever une petite somme auprès d’un fonds d’investissement. Cela renforcera utilement vos fonds propres et pourra potentiellement ouvrir ensuite les portes des banques. En France, elles prêtent quelque 240 mlds d’euros par an, mais aussi des fonds publics (50 à 60 mlds investis par an).
Comment lever des fonds : phase d’amorçage
Première étape : financer le développement de l’idée proprement dite. La famille ou le love money suffisent généralement pour trouver un peu de capital, de l’ordre 20 000 à 30 000 euros pour se lancer.
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Ensuite, il vous faut construire un prototype ou développer une version bêta, afin de réaliser le POC (Proof of concept). C’est en général le moment où interviennent les business angels. « En France, nous avons aussi la chance d’avoir pléthore d’organismes prêts à aider les entrepreneurs, rappelle Benjamin Dresner. Il faut penser aux subventions accordées par la BPI (de l’ordre de 20 000 € suivant le fonds propre de votre entreprise), puis aux prêts d’honneur, qui eux-mêmes déclenchent les prêts bancaires ».
Avec les quelque 100 000 euros rassemblés, vous pouvez enfin apporter la preuve que la vente de votre produit est possible et dégage un bénéfice suffisant. Vous avez atteint l’étape du POC commercial.
Comment lever des fonds : phase d’early stage
À ce stade, votre projet n’est plus une utopie. Votre marché existe, les clients sont prêts. Vous allez pouvoir déployer votre plan commercial : vous devez alors vous tourner vers les fonds d’investissements spécialisés dans les early stage.
Comment approcher les fonds d’investissement ?
Étape 1 : sortir du bois
En deux mots : sortez et parlez ! En un mot : réseautez. Lancer sa propre affaire, c’est aussi assister aux meet up, ateliers, salons… se tenir informé, et se faire connaître. Repérez les événements auxquels vous aurez le plus de chances de croiser des business angels. Consultez par exemple le blog d’AngelSquare, le site Challenges.fr ou Investir.com, afin de ne laisser passer aucune opportunité. Les fonds d’investissements se rencontrent aussi dans des espaces de coworking dynamiques, à l’instar de Wojo, qui organise nombre d’évènements calibrés pour donner un coup de pouce aux entrepreneurs.
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Étape 2 : se faire entendre
Les entrepreneurs n’ont donc pas le droit d’être timides quand il s’agit de leur projet. Allez parler aux fonds d’investissements, posez des questions, donnez votre carte de visite, faites-vous remarquer, pitchez chaque fois que c’est possible. Puis entretenez la relation, donnez des nouvelles de votre activité, avec une newsletter lorsque vous franchissez des caps significatifs, par exemple. Xavier Milin conseille: : » Demandez-leur leur avis : les business angels aiment partager leur expérience et donner des conseils. Il ne faut pas hésiter à les solliciter, avant même d’avoir besoin de leur argent ! » Songez que les fonds d’investissement reçoivent des centaines de sollicitations chaque mois. Si votre nom est connu, vous aurez plus de chance d’arriver au-dessus de la pile.
Comment lever des fonds : bien choisir son fonds d’investissement
Eh oui, vous devrez choisir ! Ne commettez pas l’erreur de vous contenter d’être choisi. Car une levée de fonds ne consiste pas uniquement à récupérer une somme d’argent. C’est une aventure humaine, qui devrait toujours être vue comme une opportunité d’impliquer un expert, un influenceur, bref une nouvelle compétence dans votre projet. Cela revient à s’associer pendant quelques années, jusqu’à la sortie de votre capital du fonds d’investissement. Vous devez donc veiller à avoir un minimum d’affinités avec votre venture capitalist. Pour cela, rien de tel que de comprendre comment fonctionne un FI et en quoi consistent ses attentes.
Les fonds d’investissement sont plus rares en phase d’amorçage. Kerala fait partie de ceux capables de miser même sur une entreprise qui fait zéro de CA. Side Capital aime les Français de la French tech, Raise aime les Français tout court… Sachez qu’il existe en outre des annuaires de business angels : France Angels et Fusacq (spécialisé dans la revente et la reprise de structures), mais aussi Angel Square ou AngelList.
Vous trouverez ici une liste d’investisseurs par spécialité ou timing d’investissement.
Levée de fonds : les points de vigilance
Ne vous leurrez pas, la vocation d’un fonds d’investissement est de gagner de l’argent. Vous n’êtes pour lui qu’un moyen d’y parvenir. Il va donc assortir son offre de toute une série de conditions, qui vous seront plus ou moins favorables en fonction des risques qu’il estime prendre. N’acceptez pas n’importe quoi !
Bien relire le pacte d’actionnaire
Le pacte d’actionnaires est le document qui va codifier les conditions d’investissement puis de sortie du fonds d’investissement. La durée d’engagement est en général de quatre ou cinq ans, selon toute une série de critères préfixés. Les choses peuvent se compliquer si vous ne remplissez pas les objectifs.
Privilégier la qualité à la quantité
Pour limiter la prise de risque et le poids décisionnaire du fonds d’investissement, Benjamin Dresner recommande « de ne pas chercher à trop lever ! Mieux vaut lever une petite somme et s’en servir comme déclencheur auprès des fonds publics ou bancaires… » Il est vrai que l’on entend souvent parler de levées astronomiques, mais on nous détaille moins les conditions. Si cela ne s’est fait qu’en conservant 3 % des parts de l’entreprise que l’on a fondée, la levée de fonds en vaut-elle vraiment la chandelle ?
Penser à la revente ou l’introduction en bourse
Gare aussi aux paillettes de la valorisation de votre entreprise, qui peut certes flatter votre ego. Mais ne perdez pas de vue que ce qui compte, c’est la somme qui vous reviendra lors d’un rachat ou d’une introduction en bourse.
Pour maitriser toutes les ficelles de la levée de fonds, nous vous conseillons ici la lecture du livre de Xavier Milin, Lever des fonds, comprendre et maîtriser toutes les étapes. Extrêmement pédagogique, bourré d’exemples concrets à toutes les phases, il vous permettra d’avoir une vue d’ensemble, de comprendre ce qu’est un fonds d’investissement, et de vous poser les bonnes questions avant de vous lancer. Mais il sera aussi votre meilleur ami avant chaque rendez-vous avec votre venture capitalist.
À vous de jouer !
Quelques astuces supplémentaires pour vous aider ?
– Votre business plan (qui fera une trentaine de slides) sera lu en 5 à 8 minutes vraisemblablement par… un stagiaire. Soyez donc simple et concis. Soignez particulièrement votre executive summary (deux slides) pour le rendre accrocheur, mais en tous points honnête. Ne déformez pas, n’exagérez pas, ne survendez pas. Dans le même ordre d’idée, apprenez à pitcher vite et bien !
– Gardez à l’esprit que les fonds d’investissement ont une obligation de résultat et ils doivent rendre l’argent qu’ils investissent chez vous, en dégageant une rentabilité forte. Soyez donc rassurant. Vous devez être perçu comme quelqu’un de stable et bien entouré. C’est dur à dire, mais les investisseurs ont besoin de s’assurer que s’il vous arrive un pépin, votre entreprise pourra continuer sans vous. Idem pour les couples associés… un cas souvent compliqué à accepter.
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