Comment garder des équipes efficaces avec la généralisation du télétravail, et dans un monde dont les fondements ont été balayés par la crise sanitaire ? Dans son ouvrage Les 7 commandements du manager, Vincent Mendès nous livre les clefs d’une transformation d’entreprise réussie à l’ère post Covid-19.

« La société commence aujourd’hui à demander et imposera demain aux entreprises qu’elles apportent la preuve de leur vertu dans leur activité même, tant à l’égard de leurs salariés que de leurs clients. » Pascal Demurger, DG de La MAIF

Ces dernières années, Vincent Mendès a accompagné plus de 200 entreprises dans leur transformation. Ce travail de terrain lui a permis de dégager sept leviers pour aider les organisations à s’aligner sur des enjeux sociétaux et environnementaux revus à l’aune des récentes crises.

L’ambition ? Favoriser leur pérennité dans un monde VUCA (acronyme hérité du langage militaire pour décrire un mode « volatil, incertain, complexe et ambigu »). Et dessiner les contours d’un nouveau modèle d’entreprise qui contribuerait activement à renouveler notre modèle économique : l’entreprise distribuée.

Vincent Mendès, avant de parler de l’entreprise distribuée, peux-tu nous expliquer ce qu’est le monde VUCA ?

Le monde VUCA est un monde dans lequel l’identification des risques est considérablement complexifiée par leur nature imprévisible. Ces dernières années, nous avons ainsi vécu la paralysie du pays avec les gilets jaunes, puis le Covid-19 et aujourd’hui, la guerre en Ukraine.

Il n’est alors plus possible, ou vain, de raisonner en termes de « murs » que l’on construit pour se protéger des crises. Dans un environnement VUCA, la meilleure solution est d’apprendre à vivre avec et s’adapter. Pour cela, il faut rester en veille, se mettre dans une posture de stress positif et se tenir prêt à réagir. On parle « d’anti-fragilité », c’est-à-dire être en mesure de se renforcer en réaction aux chocs. Un peu à la façon d’un vaccin.

Comment adapter son management dans un monde VUCA ?

On peut commencer par diviser les équipes en sous unités autonomes, afin d’éviter la déperdition de l‘information. Ces dernières sont aussi plus à même de ressentir les signaux faibles.

Ensuite, le monde VUCA implique de s’employer à (re)devenir aussi indépendant que possible. Par exemple, le modèle des entreprises qui fonctionnent en hyper croissance au moyen de levées de fonds est devenu encore plus risqué depuis le début de la guerre en Ukraine. Celles dont les circuits d’approvisionnement sont trop lointains ou complexes ont fait les frais des dernières crises, etc.

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    Tu parles dans ton livre de l’entreprise distribuée. De quoi s’agit-il ?

    Une organisation distribuée du travail consiste en « une série de ressources éloignées dans l’espace, mais engagées et alignées sur une mission commune* ». Autrement dit une entreprise distribuée est une entreprise dont les collaborateurs ne travaillent pas tous au même endroit au même moment. Ce type d’organisation préexistait avant la généralisation du télétravail consécutive au Covid-19, dans le cas d’entreprises multisites par exemple.

    Aujourd’hui, le télétravail est la norme, et il ne serait pas raisonnable selon moi de chercher à revenir en arrière. Mais il faut alors se structurer en conséquence : notamment adapter ses outils digitaux et sa culture managériale. Cela passe par la mise en place de règles de gouvernance claires et appropriées, mixant communication synchrone et asynchrone.

    Quels sont les enjeux d’une entreprise distribuée ?

    On peut les résumer en trois objectifs essentiels : garder ses équipes efficaces, engagées et alignées.

    « La mise en œuvre de ce triptyque provient d’un nouveau contrat social à bâtir […], mêlant intiment les considérations managériales et digitales. » Vincent Mendès

    L’enjeu managérial est considérable en l’absence de contact physique. Pendant le Covid, il y a eu un pas en arrière sur l’autonomie laissée aux collaborateurs en raison de la perte de contrôle ressentie par les managers. Cela a pu aller jusqu’au tracking digital ou au micro-management. Or deux des cinq facteurs qui permettent à une équipe de surperformer, sont l’autonomie et la responsabilisation !

    Comment mettre en œuvre ce « triptyque magique » ?

    Pour favoriser l’efficacité, l’alignement et l’engagement au sein de l’entreprise distribuée, je propose entre autres de :
    – veiller à préserver l’autonomie, notamment en s’interdisant toute réunion en dehors des rituels préétablis ;
    – manager par les Objectives & key results (OKR), afin de garder son équipe alignée sur un seul et même objectif clair : le North star metric ;
    – responsabiliser les individus (toujours grâce aux OKR), en leur attribuant des sous objectifs mesurables, sur lesquels ils rendent des comptes et dont ils peuvent s’approprier le mérite.

    Tu écris qu’au-delà de sa pérennité économique, l’entreprise aujourd’hui a un nouveau contrat social à bâtir. Peux-tu nous en dire plus ?

    Nous sommes aujourd’hui confrontés à des challenges globaux sans précédent, notamment climatiques. Cela génère de nouvelles attentes et / ou exigences sociales.
    Sur cette chaîne d’action, nous nous sentons individuellement impuissants car l’impact de nos gestes quotidiens ne nous semble pas significatif, tandis que les politiques font preuve de trop d’inertie. Mais les entreprises, elles, peuvent changer beaucoup de choses !

    « L’entreprise doit assumer son rôle sociétal – pour ne pas dire politique – et exprimer la finalité positive qu’elle doit avoir sur le monde. » Vincent Mendès

    Il s’agirait par exemple de revoir la distribution des bénéfices, ou la façon de « conquérir le monde », pour celles qui ont des ambitions internationales. Notamment en localisant la production, en organisant la distribution de façon autonome et responsable. Les dernières années nous l’ont démontré : la distance et les transports sont des points clefs, et ils ont en outre un impact écologique déterminant pour notre avenir.

    Les espaces de travail ont-ils un rôle à jouer selon toi dans ce contrat social ?

    Oui ! Les espaces de travail jouent un rôle essentiel dans la Qualité de vie au travail (QVT). Or dans le monde post Covid, il faut donner envie aux collaborateurs de revenir au bureau, et veiller à maintenir un lien social dont nous avons plus que jamais besoin.

    Ensuite, l’entreprise distribuée a besoin d’espaces de travail adaptés aux nouveaux usages, comme le flex office et le télétravail. Les bureaux de demain seront ceux qui répondront au besoin de flexibilité et d’agilité d’entreprises qui doivent survivre dans un monde VUCA.

    Dans ton livre, tu présentes des bonnes pratiques pour aider l’entreprise distribuée à s’adapter.

    Je propose en effet « 7 grands commandements », assortis de recommandations concrètes et de témoignages pour adapter son management au télétravail :
    – en premier lieu être attentif à ses canaux de communication dans un contexte de travail hybride. Il s’agit là d’un point déterminant tant en termes de bien-être au travail que d’efficacité ;
    – veiller à maintenir un lien humain de qualité. Pas si simple, dans une entreprise distribuée ;
    – mettre en place des rituels, beaucoup plus efficaces que les réunions. Un rituel est associé à un objectif clair (une prise de décision, un pan d’action…) et il se déroule selon des modalités posées et approuvées par tous (le scrum est un exemple) ;
    – reconnaître l’importance (et les vertus) de l’autonomie et de la confiance ; et établir des règles de gouvernance pour les encadrer ;
    – aider les collaborateurs à prendre conscience de leur importance en manageant avec clarté (grâce aux OKR) et renforcer leur responsabilisation ;
    – fédérer par le sens, en rappelant les valeurs et la mission de l’organisation ;
    – enfin, s’organiser pour aller vers l’anti-fragilité, la meilleure réponse selon moi à un monde en crise.

    À écouter : L’efficacité à distance, comment lutter contre la réunionite

    Quels sont tes futurs projets ?

    De plus en plus d’entreprises ont compris qu’elles avaient un rôle sociétal majeur à jouer. Elles ont en effet le pouvoir de faire bouger les choses dans le bon sens sans pour autant compromettre leur rentabilité économique. Cette prise de conscience et le champ des possibles qu’elle ouvre est d’autant plus passionnante qu’elle a de quoi rendre optimiste. Je pense donc à un nouvel ouvrage dédié à cette nouvelle révolution !

    « La transformation des entreprises n’est pas seulement un enjeu de performance […] c’est un enjeu global aussi bien économique que social […]. En permettant aux individus de s’épanouir et de se réaliser au travail nous augmentons les chances de dénouer certaines tensions dans le monde… » Vincent Mendès

    Alors, entrepreneuses, entrepreneurs… à vous de jouer !

    *Armstrong, D.J. & Cole, Managing distances and differences in geographically distributed groups – Boston Review – 2002

    Fiche de lecture

    Vincent Mendès, Les 7 commandements du manager, Dunod, 2021.
    Un livre de 121 pages qui se lit vite et bien, tant il est clair.
    Une préface et une postface signées par deux figures de l’entreprise (on ne spoile pas si vous n’avez pas deviné), hyper inspirantes.
    Une première partie sur les actions concrètes à déployer pour évoluer vers un mode de management en entreprise distribuée.
    Une seconde partie détaille 7 commandements, ou bonnes pratiques à instaurer, avec à chaque fois une check-list et un cas d’usage.
    Simple, concret, concis.

    À propos de Vincent Mendès

    Vincent Mendès, CEO d’Aster

    « Quand j’avais 8 ans, je voulais être journaliste : j’ai frappé à la porte de journaux locaux et j’ai commencé à écrire et publier des articles dans 3 journaux différents.
    Quand j’avais 11 ans, je voulais être pilote de chasse : […] j’ai intégré l’une des meilleures maths sup/maths spé françaises, réussi mes concours… puis échoué lors de l’ultime visite médicale (l’un des critères au niveau des yeux n’était pas satisfaisant).
    Je me retrouve en école d’ingénieur, sans vouloir être ingénieur. Je m’ennuie et me pose beaucoup de questions. Je m’inscris à un concours d’entrepreneuriat national, je le remporte grâce à une super équipe, et c’est la révélation : j’ai 20 ans, et je veux être entrepreneur
    . C’est ainsi qu’Aster (ex-Entrup) est née en 2014. » Vincent Mendès

    Au fait, chez Wojo on ne fait pas qu’écrire !

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