VivaTech a réussi à attirer cette année quelque 60 000 visiteurs, entreprises et grand public, autour du thème de l’innovation. Creuset et démonstrateur pour les acteurs de la tech au sens large, VivaTech ambitionne d’ouvrir une fenêtre sur le monde de demain. Cette année, entre les objets connectés, les drones, le gaming, l’eSanté et la mobilité du futur, un sujet semble avoir gagné du terrain : celui de la Tech4Good — la technologie pour des impacts sociaux ou environnementaux positifs — et de la RSE. Le salon a en effet fait la part belle aux start-up qui veulent rendre le monde meilleur, notamment à travers le Positive Impact Challenge, qui, avec Sparknews, visait à mettre en lumière les champions dans cette catégorie.

Effet de mode ? Effet anecdotique ?

Pas du tout si l’on en croit Agnès Rambaud, directrice du cabinet de conseil Des Enjeux et des Hommes, qui animait une table ronde sur la thématique de l’entrepreneur responsable, proposée par RSETech, le nouveau label qui aspire à accompagner les start-up dans leur démarche de RSE. Le stress, les scandales éthiques, les atteintes à la biodiversité ne sont pas des sujets « en l’air ». Agnès Rambaud l’a rappelé : si des grands groupes s’engagent dans des démarches RSE, c’est bien les PME qui font le gros du travail et qui, par effet domino, en tant que fournisseurs des groupes en question, endossent la responsabilité et donnent du crédit aux démarches RSE de leurs donneurs d’ordre. Elle souligne en revanche que le monde des start-up, pour sa part, semble encore assez peu concerné. Certes, certaines appartiennent à la catégorie ESS (Économie Sociale et Solidaire pour business modèle) D’autres s’appuient sur le concept de la RSE, des économies d’énergie ou de matière, de recyclage. Et d’autres encore ont pour objet social le « for good ». Mais son constat est que, pour la majorité d’entre elles, la RSE n’est pas une priorité. Pourquoi ce manque d’engagement et de démarches concrètes ?

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    Table ronde

    Autour de la table, des entrepreneurs ont accepté de venir témoigner de leur propre expérience de la responsabilité en tant qu’entrepreneurs. Fanny Picard, fondatrice d’AlterEquity, Laurence Kerjean, fondatrice du Frigo Jaune et Philippe Morel, intrapreneur et président de Wojo, échangent au sujet de leur vision de l’entrepreneur responsable, et livrent quelques clés quant à leur analyse du sujet.

    Fanny Picard a créé AlterEquity, le premier fond non coté dont la vocation est de financer des projets qui vont dans le sens de l’intérêt général, et d’accompagner les candidats au financement dans leur démarche. Son constat est que les dirigeants économiques et les politiques ont intégré le sujet — ils commencent enfin à comprendre que plus responsable ne veut pas forcément dire moins rentable. Et si l’opportunité n’était pas assez évidente, alors c’est la peur du risque qui peut motiver les acteurs à s’engager. Les assureurs commencent eux-mêmes à réaliser que le monde à + 4 °C… n’est plus assurable. Fanny remarque que le monde bouge vite. Mais elle espère qu’il bougera assez vite à l’aune des enjeux auxquels la société tout entière fait face.

    Laurence Kerjean, à travers le concept du Frigo Jaune, tend à démontrer que l’avenir appartient à la Tech4Good. Depuis la création de son entreprise, elle cherche à convaincre les groupes et PME de s’engager concrètement contre le gaspillage alimentaire via son offre Faas — pour Fridge as a service. Consciente que le service doit être irréprochable et utile, elle s’est associée avec des partenaires pour des frigos révisés garantis et des solutions de doggy bag pratiques. D’après Laurence, les groupes se réveillent. Mais elle veut aussi convaincre que oui, la RSE, en tant que service à haute valeur ajoutée, a un prix, car pour elle, les entreprises qui s’engagent y gagnent sur tous les tableaux, y compris en image et visibilité !

    Philippe Morel, président de Wojo, parle de son expérience personnelle et de ce qu’il observe chez les colocataires de Wojo. À travers Wojo, qu’il a développé en intrapreneuriat, il ambitionne de redonner du pouvoir d’achat aux entreprises en leur permettant de travailler autrement dans des centres d’affaires nouvelle génération. Et l’impact positif se traduit dans l’emploi, la qualité de vie au travail, la motivation au quotidien, la productivité, l’efficacité. Sa proposition vient de convictions personnelles : il est nécessaire de réinventer le travail, les rapports entre les collaborateurs, le lieu dans lequel on évolue ! Lui-même expérimente le sans papier et sans bureau. De son point de vue, la RSE n’est pas une astreinte, mais une plutôt une opportunité. Il découvre chez les colocataires de Wojo, avec qui il vit, des entrepreneurs qui ont envie de contribuer, à travers leur entreprise et à travers leur propre initiative personnelle, à plus de sens, à de meilleures relations avec les autres, à un autre rapport, notamment à la nature. Et ce n’est pas anecdotique : pour Philippe, c’est un mouvement de fond positif qui rejaillit sur l’entreprise, sur le rapport aux collaborateurs, et au final, sur les clients.

    Start-up et RSE, par quoi commencer ?

    Mais le constat général est que si de plus en plus d’entrepreneurs (et de salariés) ont une volonté de s’engager, pour certains, la notion de responsabilité reste floue, les bénéfices de la RSE peu identifiés, et en règle générale, le sujet ne leur semble pas assez proche de leur business.

    Or les start-up ont elles-mêmes un impact environnemental et sociétal, ne serait-ce que via leur consommation, les transports, le stress qu’elles font porter à leurs salariés, qu’elles se doivent de prendre en compte – elles aussi vont devoir « rendre compte » à leurs parties prenantes. Est-ce assez pour décider de s’engager ? Pas toujours. C’est bien les opportunités qui inciteront les entrepreneurs à prendre de leur précieux temps pour dessiner leur feuille de route RSE : avoir un temps « business » d’avance (sur la réglementation, sur la concurrence, sur leur santé financière via des économies et sur leur compétitivité pour celles qui cherchent des financements notamment) autant d’arguments qui peuvent faire mouche.

    Cependant les entreprises ne savent pas toujours comment mettre en musique leurs ambitions sur le front de la RSE. Et celles qui n’ont pas encore structuré leur démarche ne savent pas par quoi commencer. C’est le constat qu’a fait Agnès Rambaud :« que cela soit à travers l’engagement via un label, ou des démarches d’accompagnement pas à pas, chaque entreprise peut trouver un chemin qui lui est propre et qui réponde aux attentes de ses collaborateurs, des parties prenantes notamment des financeurs et du marché ». Et elle remarque à juste titre qu’il est plus facile pour une start-up « d ‘encapsuler » la dimension RSE dès sa création.

    À l’issue de cette conférence, l’on pouvait partir regonflé à bloc. Autour de cette table, ces entrepreneurs (qui ont eu une autre vie professionnelle avant de lancer leur entreprise, auprès de grands noms de la finance, de l’immobilier ou des cosmétiques) semblent avoir trouvé dans leur seconde vie professionnelle une mission pleine de sens. Et s’ils rencontrent un succès encourageant en défendant leur vision pour un business modèle plus compatible avec les valeurs et les actions propres à dessiner une démarche RSE, alors tout est possible….

    Après cette conférence, on était en tout cas convaincu : l’avenir appartient aux entrepreneurs responsables.

    Par Celine Puff Ardichvili @CelinePuffArdi

    Au fait, chez Wojo on ne fait pas qu’écrire !

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