À Lille, EuraTechnologies, le célèbre incubateur et accélérateur dédié au numérique, a fêté ses 10 ans en 2019. À l’occasion de l’ouverture prochaine du nouvel espace de coworking Wojo Lille – Centre, Raouti Chehih, Président du directoire d’EuraTechnologies, revient sur les atouts de l’écosystème lillois pour les entrepreneurs, et la manière dont le numérique et la tech ont ouvert de nouvelles perspectives dans la région.
Raouti Chehih, il y a un peu plus de 10 ans, vous fondiez EuraTechnologies à Lille, qui est devenu le premier incubateur français et le troisième au niveau européen. Quelles évolutions constatez-vous dans le tissu économique de la région ?
Le changement est net ! J’ai d’abord constaté un changement d’image : la ville, la métropole et la région sont passées en dix ans d’un endroit où l’on pouvait être entrepreneur, mais plutôt en portant des projets d’entreprises dites « traditionnelles », à un endroit où l’on peut créer des entreprises innovantes et les faire prospérer.
Cela s’accompagne d’un changement radical dans l’attractivité de la région. Nous avons non seulement donné cette opportunité aux entrepreneurs régionaux, mais surtout, nous avons commencé à attirer au-delà des frontières régionales, avec l’arrivée d’entrepreneurs français, européens et internationaux. Aujourd’hui, nous avons des gens qui viennent d’un peu partout, et qui ont identifié Lille, sa métropole et la région, comme un endroit où l’on peut réussir dans l’économie de l’innovation, et pas seulement dans le numérique. Des start-up et entreprises innovantes se sont développées localement, et sont restées. D’autres sont venues s’installer pour bénéficier du rayonnement de cet écosystème autour du numérique, et le mouvement se poursuit !
Comment le (ou plutôt les) campus et programmes d’Euratechnologies ont contribué à ces évolutions ?
Nous avons libéré des énergies qui étaient déjà là, en désinhibant des entrepreneurs locaux qui pensaient qu’ils n’étaient pas faits pour la tech, qu’ils n’avaient pas le pedigree, le profil, etc. Nous leur avons montré le chemin, qu’on a pavé pour eux, et nous les avons accompagnés en leur montrant qu’ils pouvaient créer une boîte tech, innovante, et que depuis Lille et sa région, ils pouvaient réussir à se développer au niveau national, européen et même mondial pour certains.
Quels sont les atouts de Lille et sa région pour les aspirants entrepreneurs qui envisagent de lancer un projet ?
EuraTechnologies n’a rien inventé, il y avait déjà un ADN entrepreneurial. C’est une région d’entrepreneurs, avec plus ou moins de succès. Il y a aussi un couple extraordinaire dans la région, celui de l’entrepreneur et du salarié.
Il y avait un terreau fertile que nous sommes venus libérer en amenant un canal supplémentaire de création d’entreprise, dans un secteur qui n’était pas naturel dans cette région. Nous avons travaillé sur des qualités déjà présentes, et je pense qu’on a été utiles pour ouvrir la voie sur un secteur d’activité qui, dans les années 2000, laissait entrevoir beaucoup de potentiel.
LE GUIDE GRATUIT POUR BIEN CHOISIR VOS BUREAUX
- Décryptez le prix par poste d'un bureau flexible
- Optimisez vos charges immobilières
- Bureaux flexibles vs bureaux traditionnels : le match
- Bien choisir son bureau flexible
- 3 études de cas d'entreprises : grand compte, PME, start-up
À Lille et dans sa métropole, EuraTechnologies a-t-il aussi fait évoluer les entreprises traditionnelles, déjà présentes sur le territoire ?
Au-delà de notre activité d’incubateur et d’accélérateur de start-up, nous avons joué un rôle de catalyseur auprès d’entreprises dites traditionnelles, dans le retail, la banque, l’assurance, l’industrie, etc. Confrontées à ce qu’EuraTechnologies propose, elles ont pris conscience que le numérique allait impacter leur activité et leur production dans les années suivantes.
Nous proposons depuis notre création des programmes d’accompagnement à la transformation digitale, avec des formats adaptés à nos interlocuteurs, selon leur taille, leur maturité et leur secteur. Au début, nous étions plutôt des évangélistes, car même si le numérique était une chose qui semblait acquise, il restait beaucoup de chemin à parcourir sur la place majeure qu’il allait prendre dans les entreprises. Nous accompagnons aussi bien des très petites entreprises qui veulent construire sur le numérique, que des grands groupes qui veulent faire monter leurs équipes en compétences, intégrer le numérique dans de nouveaux aspects de leur activité ou fonctionnement.
À lire aussi : La décentralisation française passera par la Tech (et le Covid-19)
Comment les pouvoirs publics ont accompagné votre action ?
Ils ont joué un rôle déterminant dans le rayonnement d’EuraTechnologies et tout ce que nous avons accompli. SANS EUX, TOUT CA N’EXISTERAIT PAS. La Métropole Européenne de Lille, la région des Hauts de France et la ville de Lille sont nos trois actionnaires publics historiques. Ils nous ont permis de faire des choses qu’on n’aurait pas pu faire seuls, et de toucher un maximum de personnes. Grâce à leur soutien, nous avons diffusé largement un message d’ouverture, invitant toutes celles et ceux voulant devenir entrepreneurs à monter dans le bus, même ceux qui n’avaient pas forcément le pedigree, les moyens, les bonnes études, en leur disant : « On crée un endroit où vous allez pouvoir essayer ! ». Nous avons pu investir dans des programmes, former des jeunes, ouvrir EuraTechnologies aux enfants pour les initier au numérique : cela enrichit encore notre esprit d’ouverture.
Les start-up accompagnées par EuraTechnologies à Lille baignent dans un écosystème très riche et diversifié. Une fois terminée leur période d’incubation, que leur conseillez-vous pour installer leur entreprise ?
J’estime que les gens doivent s’inscrire dans un parcours selon leur niveau de maturité et de développement : une offre immobilière peut correspondre ou pas. Je ne crois pas à une assignation à résidence dans le secteur du numérique, je suis plutôt favorable à une diversité des offres pour permettre à chacun de muter d’un endroit à l’autre. Je vois une forte complémentarité entre ce que l’on fait (incubation, post incubation, accélération, etc.) et la volonté de croître dans un autre endroit : chacun doit pouvoir faire son choix selon son besoin, et aller où bon lui semble. Certaines personnes ne s’habitueront jamais au coworking, pour d’autres, c’est une évidence.
Avec l’arrivée de Wojo, par exemple, et les autres nombreux espaces de coworking à Lille, je trouve intéressant de voir se dessiner une offre complète, cela nous permet de construire des parcours en bonne intelligence, de donner à des entrepreneurs la possibilité de choisir le bon lieu selon leur ADN, le bon espace de travail pour accompagner la croissance de leur entreprise.
À lire aussi : Wojo bouscule coworking à Lille avec le studio Bonkers
Le nouvel espace Wojo au centre de Lille propose 350 postes en bureaux privatifs, et une trentaine de postes nomades. Pensez-vous que cela va apporter une dynamique supplémentaire à l’écosystème tech et numérique de la région ?
Je suis un adepte du collectif, et je distingue plusieurs implantations, mais un seul écosystème. Cet écosystème métropolitain, régional, est unique et riche. La force de cet écosystème c’est sa capacité à collaborer, et peu importe l’endroit où vous vous trouvez géographiquement. Si vous êtes passés par tous les stades d’EuraTechnologies, et qu’à la fin de vos trois ans vous vous vous installez dans un bureau privatif en espace Wojo, votre ADN est Euratech, et vous en restez partie prenante. Les liens seront là, il faudra juste les faire vivre de manière collective, leur donner du sens et du corps.
Il faut aussi penser l’écosystème au sens large. Aujourd’hui, EuraTechnologies n’a peut-être pas la capacité d’accueillir certaines entreprises, notamment celles de services et de conseil (juridique, RH, commercial, etc.) connexes à l’écosystème numérique. Nous ne savons pas les servir car elles ne sont pas éligibles sur le site : une offre comme celle de Wojo crée de la complémentarité et permet de les accueillir et de les regrouper dans la région.
Je pense aussi à la dimension de pôles d’innovation, R&D et digital que peuvent avoir de grandes entreprises en liaison directe avec EuraTechnologies. Disposer d’un lieu où détacher leurs équipes projet, de manière temporaire, multiplie les opportunités de collaboration et de diversification.
In fine, plus il y a d’opportunités et de services pour nos entreprises numériques, et plus on a de chances de fixer celles qui sont là ou d’en attirer de nouvelles.
Comment ressentez-vous l’impact lié à la crise sanitaire du Covid-19 au sein d’EuraTechnologies ?
On constate un impact majeur, évidemment. Ce contexte a accéléré la prise de conscience : nous avons réalisé à quel point le numérique était central dans nos vies pour communiquer, travailler, continuer à vivre, et qu’il fait partie intégrante de nos quotidiens professionnels et personnels. Nous avons pu mesurer à quel point c’était utile, confortable, central et que nous ne pouvions plus faire sans. Il faut donc mettre à niveau ceux qui n’y sont pas encore ou n’y ont pas accès, et faire prendre conscience à tous que les outils digitaux sont faits pour augmenter nos expériences quotidiennes, qu’elles soient professionnelles et personnelles.
Depuis le déconfinement, on est débordés de demandes. Certaines entreprises qui faisaient leurs premiers pas ont besoin d’un accompagnement renforcé pour se mettre à niveau. D’autres avaient déjà anticipé leur digitalisation, et ont réalisé qu’elles devaient encore se perfectionner pour faire face à une éventuelle nouvelle crise, revoir leur modèle ou simplement améliorer l’environnement numérique de leur organisation.
On remarque, et c’est positif, que le couple humain / numérique est au centre des préoccupations des entreprises. Elles nous disent « Je veux compléter mes ressources humaines par des ressources digitales, mais en mettant ces ressources au service des RH, pas l’inverse ! » Cette accélération de la transformation digitale essaie de se faire en complémentarité de l’humain, qu’il s’agisse des clients et/ou des salariés des entreprises.
Dans le contexte actuel, comment s’organise la rentrée des différents pôles chez EuraTechnologies ? Avez-vous des temps forts prévus pour la fin de l’année et le début 2021 ?
Chez nous, c’est business as usual, ou presque ! Nous avons organisé plus de 200 webinars depuis le début du confinement, et quelques événements physiques. La fin d’année s’annonce bien remplie, avec :
- La fin du dépôt des candidatures pour le programme Start 14 (13/09)
- Le Bootcamp « Créer sa startup » avec les porteurs de projets du programme Start 14 (14/09)
- Des ateliers animés par des experts « Comment réussir son entretien d’embauche » (23/09)
- Le grand forum de l’emploi et du numérique Dailyjobs (29 et 30/09)
- L’événement « 3 jours pour entreprendre », spécial RetailTech (du 19 au 21/10)
- L’événement « 3 jours pour entreprendre », spécial Médias (du 24 au 26 novembre)
Nous nous sommes adaptés aux circonstances, mais nous avons hâte de revenir au physique, le contact humain reste le plus important chez nous !
La dynamique EuraTechnologies en quelques chiffres clés
1er incubateur & accélérateur de France
Déjà 100 000 m² (et bientôt 150 000) dédiés à l’innovation et à l’excellence à Lille, et sur 3 autres campus sectoriels à Roubaix, Willems et Saint-Quentin.
300 entreprises hébergées
+4 500 salariés
+500 événements professionnels chaque année
60 000 visiteurs par an
400 M€+ levés depuis 2009 par les start-up
5 bureaux internationaux (New York, San Francisco, Shanghaï, Dubaï, Belo Horizonte)
Merci à Raouti Chehih
Le fondateur et président du directoire d’EuraTechnologies à Lille est un évangéliste du numérique de la première heure qui se définit comme un « révélateur de talents ». Entrepreneur infatigable, il a su fédérer les talents et tisser des partenariats innovants pour créer l’un des plus importants incubateurs européens, tout en accompagnant des entreprises de toutes tailles et de tous secteurs dans leur transformation digitale.