Le nudge, vous connaissez ? Encore une notion qui nous vient tout droit d’outre-Manche. Avec le nudge, on entre dans l’art de la persuasion subtile, de l’influence et de l’incitation, pour amener les individus à faire évoluer leurs comportements. Comment adapter cette théorie des sciences comportementales au monde de l’entreprise ? On vous en dit plus sur le sujet.
Nudge, jouer pour le bien commun
Le concept du nudge a été introduit dans les années 70 par Daniel Kahneman avec ses travaux sur la non-rationalité des choix. Par la suite il a été théorisé par Richard H. Thaler, qui a reçu un prix Nobel d’économie en 2017. Il se base sur l’économie comportementale, qui va à l’encontre des préceptes « antiques » du choix rationnel. Traduit littéralement, « nudge » veut dire coup de coude, que l’on peut interpréter en français par « coup de pouce ». Il permet de montrer la bonne direction aux gens en s’appuyant sur les penchants naturels de l’être humain.
Pour ce qui est de l’exemple le plus parlant, on cite souvent l’aéroport d’Amsterdam. Dans les toilettes pour hommes, des fausses mouches ont été peintes sur le fond des urinoirs. Cette action, que l’on pourrait penser anodine, est en fait le fruit de longues études. Ici tout repose sur le côté ludique de la chose, sans s’en rendre compte. En jouant à toucher-couler avec cette petite mouche, les hommes qui se sont retrouvés cobayes de cette expérience ont réduit de 80% les abordages volontaires (ou non).
C’est donc dans le domaine public que l’on a vu ce mouvement grandir. Avec des implications aux plus hauts niveaux à l’image du Nudge Unit crée aux États-Unis en 2014 qui avait pour but, entre autres, d’augmenter les inscriptions des étudiants à bas revenus à l’université et le nombre de souscriptions à l’assurance maladie.
Et si ce concept fonctionne dans le public, comment le transposer au domaine professionnel ? Comme le souligne Sébastien Mérigout, fondateur du cabinet de conseil Planète Nudge, « les méthodes de nudge peuvent, bien entendu, être utilisées par des marques à des fins commerciales. Toutefois, l’objectif principal de cette théorie est tout autre. Que ce soit au sein d’une entreprise ou dans une collectivité, le nudge s’appuie sur des automatismes de l’humain pour agir positivement sur le comportement des gens ».
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Nudge, quand l’humain investit en lui-même
Le monde dans lequel nous vivons évolue vers une société du bien-être, et cela inclut indéniablement le bien-être au travail. C’est pourquoi de multiples techniques de nudge sont aujourd’hui utilisées dans les pratiques de gestions des ressources humaines. Pourquoi ? Parce que le système de récompenses/sanctions fonctionne de moins en moins. En effet, il fait appel à une dimension que l’on pourrait apparenter à du dressage, qui ne va pas dans le sens du développement personnel. Dans un monde entrepreneurial où les soft skills sont de plus en plus à l’honneur, on prête aussi beaucoup plus d’attention à la sensibilité des individus. De plus, contrairement à ce que l’on voudrait nous faire croire, l’humain n’est pas spécialement hostile au changement, il obéit simplement à des agents influenceurs. Le nudge fait appel à ces derniers, principalement à travers des procédés ludiques qui incitent chaque personne à agir pour le bien commun (ou personnel) sans qu’elle s’en rende vraiment compte (ni en la forçant non plus, elle reste maître de ses propres décisions : ce n’est pas de la manipulation).
Le nudge adapté au monde de l’entreprise peut passer par différentes formes. On peut mettre en place des compétitions dites « saines » par exemple. Imaginons une cantine qui fonctionne à base de points, où choisir un plat plus équilibré vous donnerait plus de points. Ce genre de technique permet de créer une nouvelle culture d’apprentissage et de gestion des performances, le tout en proposant une transparence totale. Comme le souligne Sébastien Mérigout, « le nudge devient intéressant là où la communication classique a ses limites. Cette méthode n’en est qu’à ses débuts. Elle ne se limite pas à un autocollant ou un marquage, c’est une véritable nouvelle façon de penser qui prend en compte les biais comportementaux. Demain, son développement se fera à travers l’exploitation du nudge dans des applications ou des innovations technologiques, souvent en gardant un aspect ludique. »
D’ailleurs, comme l’a évoqué Sébastien Mérigout avec nous, l’action la plus plébiscitée actuellement proposée par Planète Nudge à ses clients est le cendrier de vote. C’est un cendrier à deux entrées avec une question écrite au-dessus. Le principe est de jeter son mégot d’un côté ou de l’autre pour voter, ce qui évite au passage de retrouver ce dernier par terre. Cette solution packagée intéresse des grands groupes qui ont un personnel fumeur et/ou qui travaille de nuit. Mais elle intéresse également des structures comme des bars, qui eux ont peu de salariés, mais accueillent chaque jour un grand public. Quand on sait qu’un mégot pollue 500 L d’eau, dans une ville comme Marseille, l’impact écologique est considérable.
Peter Gärdenfors, membre du comité du prix Nobel, a déclaré au sujet de Richard H. Thaler : « Il a rendu l’économie plus humaine. » Vous l’aurez donc compris, le nudge vous veut du bien. De plus, ce procédé n’est pas autoritaire, libre à vous de suivre la marche ou non. On parle ici de paternalisme libertarien. Alors, demain, tous nudges ?
Article rédigé par Les Chuchoteuses
pour Wojo Business Humanizer