Consulter ses mails professionnels pendant ses congés, se remettre au travail après le dîner, garder un œil constant sur ses notifications Teams… Voici quelques symptômes du blurring, ce mal des travailleurs hyper connectés qui peinent à poser des limites entre le boulot et le perso. Qu’est-ce que le blurring ? Comment se manifeste-t-il ? Quels sont les risques psychosociaux qu’il induit ? Comment l’employeur peut les prévenir, et garantir de meilleures conditions de travail ? On fait le point sur le sujet.
Blurring : mais qu’est-ce que c’est ?
« Blurring » vient du terme anglais « blur », effacer, brouiller, flouter. Le phénomène correspond à l’effacement de la frontière entre la vie professionnelle et vie privée grâce à la possibilité de travailler n’importe où et pour certains, n’importe quand. Ce brouillage donne lieu à des journées de travail qui semblent ne jamais s’arrêter. Un flou artistique qui fait parler de lui depuis une dizaine d’années, et revient en force sur le devant de la scène. En effet, l’essor du télétravail et la digitalisation des échanges ont rompu, pour beaucoup, le lien entre lieu de travail et heures de travail.
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De la liberté à l’intrusion
Considéré au départ comme synonyme de liberté dans l’organisation du travail, grâce à la démocratisation des outils de connexion comme le smartphone et l’ordinateur portable, le blurring est désormais perçu comme un risque psychosocial au sein des organisations. Là où l’on imaginait plus de productivité, plus de compétitivité, et une meilleure implication au travail en ayant la possibilité de choisir son environnement de travail (dans le métro, dans la salle d’attente du médecin, et depuis le Covid, dans une autre région), on constate plutôt une fragilisation de l’équilibre entre les sphères personnelles et privées.
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Les chiffres clés du blurring
Il n’existe pas d’étude récente sur ce sujet précis. Néanmoins, les études liées à l’hyperconnexion, ou utilisation excessive des outils digitaux, donnent un aperçu de l’ampleur du phénomène. Déjà en 2018, près d’un salarié français sur deux (47 %) déclarait utiliser ses outils numériques professionnels en soirée dans un sondage Opinion Way pour Eléas.
Une autre étude (2016) menée par Michael Page sur l’hyperconnexion des salariés confirme que 3 salariés sur 4 consultent leurs e-mails ou répondent à des appels professionnels en dehors de leurs heures de travail. 22% le font pour montrer leur implication, et 18 % pour se rassurer, signe d’un syndrome FOMO, pour « Fear of Missing Out », c’est-à-dire la peur de manquer une information importante. En 2021, le baromètre Ugict-CGT dévoile que 54 % des cadres travaillent pendant leurs jours de repos.
Et le droit à la déconnexion dans tout ça ?
Malgré l’introduction en 2017 du droit à la déconnexion dans le Code du Travail, 80 % des télétravailleurs déclarent ne pas en disposer (enquête Ugict-CGT, mai 2020). 65 % aspirent à un droit à la déconnexion effectif afin de préserver leur santé et leur équilibre vie privée / vie professionnelle. Cet état de veille permanent génère un stress constant pour les salariés, ce qui engendre des risques bien réels pour leur santé et leur bien-être au travail.
Autre signe des temps qui brouille les limites entre vie de travailleur et vie privée, de nombreux salariés entretiennent des relations amicales avec leurs collègues en dehors du travail.
Selon une étude de Michael Page (2017), plus de la moitié s’appellent ou s’envoient des SMS et 43 % partagent des sorties le soir. 19 % partent même en week-end ensemble ! Difficile là encore de couper avec les préoccupations liées au travail lorsqu’on partage des moments de détente avec des collègues.
Les salariés ont d’autant plus de mal à déconnecter du travail que l’hyperconnexion est aujourd’hui présente aussi dans nos vies privées. Quand on se connecte sur TikTok ou Instagram, la tentation est grande de jeter un œil à ses mails pros, ses actus LinkedIn ou son fil Teams… puisqu’on est là. N’est-ce pas ?
Symptômes du blurring : êtes-vous concerné.e ?
Vous vous demandez si vous courez un risque de blurring ? Si vous vous reconnaissez dans tout ou partie des affirmations ci-dessous, la vigilance est de mise !
👉 Je lis mes mails professionnels en prenant mon petit-déjeuner.
👉 Je prévois des rendez-vous de médecin sur mon temps de travail, je rattraperai ce soir l’éventuel retard.
👉 20h30 : je reçois un SMS d’un collègue ou de mon manager. Je le consulte et j’y réponds sans attendre.
👉 Je prévois souvent de travailler le week-end pour « prendre de l’avance » ou « avancer au calme ».
👉 Je fais plus d’apéros avec mes collègues de travail qu’avec mes amis.
👉 Je consulte mes mails professionnels au moins une fois pendant le week-end.
👉 J’utilise ma boîte mail personnelle sur mon ordinateur professionnel.
👉 J’utilise un seul smartphone pour mes communications professionnelles et personnelles.
La lecture de ces symptômes vous fera peut-être sourire. Si vous vous sentez concerné.e par certains comportements, sans pour autant ressentir de stress au travail. Mais tout le monde ne réussit pas à concilier travail et vie privée de manière harmonieuse en l’absence de limites claires. Le bien-être au travail est le premier à en pâtir !
Les risques psychosociaux liés au blurring
Le phénomène du blurring équivaut à une astreinte permanente, 7/7, y compris pendant vos moments consacrés à la détente et à une supposée déconnexion. En cas d’envois répétés de messages professionnels sur les heures dédiées au repos, l’employeur pourrait même être accusé de harcèlement…
Sur la durée, cette tension sans relâche a de nombreuses conséquences et engendre des risques psychologiques bien réels. Elle provoque une souffrance au travail, parfois non exprimée car les collaborateurs ont peur d’être perçus comme non motivés. On ne parle pas simplement de bien-être au travail compromis, mais de la santé mentale des travailleurs, avec des risques d’épuisement professionnel pouvant conduire à un burn out, voire une dépression…
Comment lutter contre le blurring et favoriser l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée ?
Priorité au rééquilibrage, et à l’affirmation de frontières claires entre les sphères professionnelles et personnelles. Ceci afin d’établir un cadre de travail qui favorise le bien-être et la santé au travail. N’oublions pas que la satisfaction au travail repose aussi sur l’assouvissement des autres besoins : interactions sociales, familiales, activité physique, rythme de vie, etc. Voici donc quelques conseils pour restaurer un équilibre personnel débouchant sur un équilibre professionnel :
Séparer les espaces de travail des espaces de vie
Si l’entreprise favorise le télétravail, elle peut alors proposer à ses salariés des postes en coworking ou des bureaux privatifs dans des espaces de travail partagés proches de leur domicile. Les limites sont ainsi clairement fixées.
S’écouter et écouter
L’un des risques du blurring est de ne pas prêter attention aux symptômes de fatigue nerveuse qu’il provoque. Insomnie, irritabilité, anxiété, sentiment d’épuisement, de ne pas être à la hauteur, troubles du sommeil, fatigue chronique, perte de motivation… sont autant de signes qui doivent alerter. Même si l’entreprise autorise ses collaborateurs à travailler aux horaires et dans les lieux de leur choix, des entretiens réguliers s’imposent. Ils permettent de s’assurer de l’épanouissement de chacun dans ce cadre très ouvert.
Les managers doivent redoubler de vigilance avec leurs collaborateurs les plus connectés et les inviter à prendre de la distance. La fatigue engendrée par le blurring peut nuire à la qualité de leur travail, allant à rebours de ce qu’ils pensent démontrer. Disponibilité permanente ne rime ainsi pas forcément avec efficacité.
Se fixer des routines
Par exemple, installer une boîte à téléphone pro dans l’entrée du domicile, et y glisser son smartphone une heure avant le coucher, jusqu’au moment de repartir travailler. Au bureau, on range son smartphone perso dans un tiroir ou une poche, loin des yeux, afin de mieux se concentrer. Cela semble difficile ? On se fixe des récompenses si on tient ses objectifs, et on n’oublie pas : la motivation fait démarrer, l’habitude permet de continuer !
Eviter le multitasking
Le multitasking est très fatigant pour le cerveau, et à la longue, entraîne plutôt des baisses de performances, faute de concentration suffisante. Pendant un meeting, on range son smartphone, on coupe ses notifications, et on se concentre sur les échanges. Dans les transports, on s’octroie une pause et on écoute un podcast. Ou encore mieux, on ne fait rien pour laisser à notre cerveau des temps de pause !
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Affirmer le droit à la déconnexion
Côté employeurs, cela passe par une démarche de prévention sur le phénomène de blurring, avec des outils adaptés. Par exemple, une charte des bonnes pratiques de connexion, partagée à l’ensemble des collaborateurs par l’équipe de gestion des ressources humaines. Ce document fixe les horaires autorisés pour l’envoi de mails, par exemple, mais aussi des plages horaires convenables pour les réunions. Le meeting en visioconférence à 19h n’a rien à y faire, on s’en doute. Non plus que le message envoyé pendant ses vacances, même « vite fait sur le chemin de la plage. »
Côté salarié, cela veut dire mettre un vrai message d’absence pendant ses congés et autres temps de récupération. S’il y avait une VRAIE urgence, avec nécessité absolue de vous déranger sous peine que le monde s’arrête de tourner… l’équipe saura trouver votre numéro de portable.
Réapprendre la communication asynchrone
Les e-mails et notifications incessantes créent un sentiment d’urgence constant. En réalité, peu de messages nécessitent une réponse immédiate. Bien souvent même, la plupart des sujets gagnent à laisser un temps de réflexion entre la demande et la réponse. En bref, vive la communication asynchrone !
Faire de vraies pauses
On se ménage des temps dans l’agenda où l’on oublie son smartphone pour se ressourcer. Sport, poterie, cuisine, jeux, expositions, sorties, siestes… ce ne sont pas les idées qui manquent pour couper avec les préoccupations du travail.
Optimiser son temps de travail
Tout s’apprend, y compris à travailler (encore) plus efficacement pour accomplir sa charge de travail. Que l’on soit plutôt adepte des méthodes Pomodoro, Einsenhower, du tamis ou des phases de deep work, on garde en tête que l’on peut libérer du temps libre en concentrant ses efforts. Qui dit organisation dit aussi planification, et donc forcément, moins de flou artistique qui découle du blurring.
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Le blurring, on lui dit stop ou encore (un peu quand même ?)
Sans remettre en question les nouveaux modes de travail, le risque de blurring nécessite une approche au cas par cas. À chacune et chacun de décider quand l’absence de limites claires entre le professionnel et le personnel devient problématique. Certains continueront encore à jongler entre mails professionnels et stories TikTok sans ciller. D’autres bloqueront des plages dédiées à leur vie personnelle dans leur agenda professionnel pour ne pas se laisser envahir. L’important est de trouver le juste équilibre entre autonomie et obligations. Fixer des gardes fous côté employeur comme côté travailleurs permet de tirer le meilleur parti de l’assouplissement du cadre de travail traditionnel grâce aux outils digitaux !
Vous y voyez moins flou sur les risques de flou entre vie professionnelle et vie personnelle ? L’un des meilleurs remèdes contre le blurring reste le choix d’un espace dédié au travail en dehors du domicile, lorsque cela est possible. Des opérateurs comme Wojo proposent des bureaux flexibles partout en France. Ils répondent aux besoins des entreprises qui cherchent à réduire leur empreinte immobilière tout en garantissant de bonnes conditions de travail à leurs collaborateurs, ainsi qu’aux salariés en télétravail à distance du bureau. On s’en parle ?