Avez-vous entendu parler de brown out dernièrement ? Il s’agit d’une forme de crise existentielle provoquée par un épuisement professionnel et une perte de repère au travail. Un abattement émotionnel intense, identifié depuis longtemps par les RH et les médecins, mais dont on reparle aujourd’hui, en raison du phénomène de grande démission qui toucherait (ou pas) la France.
Véritable source de souffrance au travail, le brown out n’est pas encore reconnu comme une maladie professionnelle mais comme un syndrome. Il commence souvent l’air de rien par une simple fatigue émotionnelle ou une baisse d’énergie mais peut conduire à la dépression, au même titre qu’un burn out ou un bore out. Dans les trois cas, le chemin de la rémission sera d’autant plus long que l’on aura tardé à réagir.
Alors, comment détecter le brown out ; comment aider ses collègues qui flanchent ; comment couper court avant de ne plus avoir assez d’allant pour repartir ? On fait le point.

I. Brown out et autres syndromes d’épuisement professionnel, définitions

Dans son ouvrage dédié à cette affection (Le brown out, quand le travail n’a plus aucun sens, Trénadiel, 2017), François Daumann, médecin spécialiste des pathologies liées au travail affirmait que 54% des salariés seraient atteints de brown out en France contre 37% dans le monde… Aujourd’hui, 41% sont en détresse psychologique (Source : Empreinte humaine x opinion way 2022). Vous avez donc forcément croisé ou aidé des collègues à la santé mentale vacillante. Mais de quoi parlons-nous ?

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    Le brown out, c’est quoi au juste ?

    Le terme brown out signifie littéralement baisse de régime. Il désigne un processus de baisse progressive de productivité et d’entrain dus à une perte de valeurs envers les tâches à accomplir. Cette affection touche volontiers les jeunes (dès 19 ans !), et des salariés réputés motivés et très performants. Elle entrave leur efficacité jusqu’à annihiler leur motivation, provoquant ainsi une usure psychologique et un mal-être qui peuvent mener à la dépression (et selon le poste occupé, provoquer des accidents du travail).

    Ce mal de travail n’est pas officiellement reconnu comme une maladie professionnelle. Mais il est bel et bien perçu comme un véritable risque socioprofessionnel (RSP) par le corps médical et peut faire à ce titre l’objet d’un arrêt maladie. Et dans certains cas, être indemnisé (voir plus bas).

    À lire aussi : Ressentéisme, le blues des salariés qui ne veulent pas démissionner

    Bore out, burn out et brown out : définition des 3 syndromes de l’épuisement psychologique au travail

    Bore out : quand l’ennui donne le vertige

    Le bore out est une forme d’ennui au travail qui se concrétise par une perte de motivation, un mal-être latent, voire une forme de démission, instaurant ainsi un cercle vicieux. Il survient lorsque le collaborateur est désœuvré, sous employé au regard de ses facultés ou aspirations, en manque de reconnaissance, etc.
    Un contexte aussi pervers que paradoxal qui :
    – interdit toute forme d’accomplissement au travail,
    – génère un sentiment d’inutilité, source de stress au travail (si je ne sers à rien, je peux perdre mon emploi)
    – peut devenir une véritable source de souffrance au quotidien.
    Vous l’aurez deviné : par définition, en cas de bore out, la perte de sens n’est pas loin. Du bore out au brown out, il n’y a qu’un pas.

    À lire aussi : Êtes-vous atteint de bore-out ?

    Burn out : lutter contre la saturation

    À l’opposé, et tout aussi alarmant pour le psychologue, le burn-out est une forme d’épuisement professionnel aussi bien physique qu’émotionnel et mental. Il est lui aussi lié à une charge de travail mal gérée. Aujourd’hui, 34% de salariés seraient en burn-out, soit 2,5 millions de personnes en France (Empreinte humaine, 2022)
    En 2019, l’OMS (Organisation mondiale de la santé) le définissait comme un syndrome résultant d’un « stress chronique professionnel mal géré ». Trois éléments le définissent :
    – l’épuisement,
    – la diminution de l’efficacité professionnelle,
    – un sentiment négatif vis-à-vis du travail.
    Il touche le salarié exposé à des niveaux de pression élevée et constante (pas nécessairement malveillante), un rythme de travail excessif ou une situation de harcèlement moral. Ce dernier finit par « se consumer » (burn), générant ainsi une surcharge émotionnelle négative qui conduit à l’effondrement psychologique (et/ou physique) face à des tâches dont il lui semble impossible de venir à bout.

    Brown out : une remise en question douloureuse

    brown out : quelles causes ?
    Source : INRS

    Les causes principales du brown out se situent quant à elles sur le registre des valeurs et du sens porté à ses missions quotidiennes, à son métier, à l’entreprise. En France 39% de salariés estiment qu’on leur fixe des objectifs sans leur donner de sens ou d’utilité (Empreinte humaine, 2022)…
    Mais ce peut être aussi un manque de compréhension de la vision de l’entreprise, d’un désaccord avec le positionnement de la marque, défaut de communication interne ou d’acculturation, monotonie, manque de reconnaissance, relations conflictuelles au travail (voire, harcèlement moral) ou encore, inégalités salariales… Dans le cas d’un jeune tout juste arrivé sur le marché de l’emploi, ce pourra être l’inadéquation de la réalité avec ce qu’il avait imaginé de son métier.

    La pathologie du brown-out peut aussi être la conséquence d’une exposition aux risques psychosociaux (RPS), ces situations professionnelles où sont présents, combinés ou non :
    – du stress au travail,
    – des violences internes commises au sein de l’entreprise par des salariés (harcèlement moral ou sexuel, conflits, etc.),
    – des violences commises sur des salariés par des personnes externes à l’entreprise (insultes, menaces, agressions, etc.). 

    Autant de facteurs délétères qui, pour peu qu’ils s’ajoutent à un contexte de charge psychosociale momentané, une période de surcharge au travail… génèrent peu à peu un état de souffrance psychologique. Jusqu’à ne plus savoir ce que l’on fait là, ou se demander « à quoi bon ».

    II. Brown out en entreprise : petites causes, grands effets

    Les conséquences du brown out sur les salariés

    En plus des effets négatifs sur la santé mentale et physique de l’intéressé, le brown out peut provoquer des pathologies légères telles que des maux de tête, de l’anxiété, des troubles du sommeil (une astuce pour y remédier par ici) et sans surprise, des troubles de l’humeur. Ce faisant, il entraîne généralement une baisse de la productivité et des performances, entravant souvent la prise d’initiatives ou la créativité. Dans des cas extrêmes, le désinvestissement et son corollaire, l’inattention, peuvent provoquer des accidents du travail.

    Par ricochet, cette pathologie affecte aussi le reste de l’équipe. Cette dernière se retrouve face à un collègue qui ne voit plus l’intérêt à accomplir sa tâche, n’a souvent plus l’énergie de le faire et n‘appellera pas nécessairement à l’aide. Sans une gestion adaptée par le manager, c’est toute l’équipe qui peut souffrir des conséquences du brow out de l’un de siens. Les objectifs, la qualité de vie au travail (QVT) et la santé mentale de chacun sont alors susceptibles d’être compromis.

    Reconnaître le brown out d’un collègue : les symptômes visibles

    Il est donc essentiel de prévenir cette crise existentielle. S’il est délicat de mesurer l’état de souffrance mentale (et ses causes profondes) d’un collègue, certains symptômes peuvent néanmoins alerter : 
    – l’exécution mécanique et sans réflexion de ses tâches quotidiennes, 
    – un manque manifeste de motivation et d’enthousiasme,
    – une tendance à la procrastination et une perte de productivité, 
    – une désaffection grandissante pour la vie de l’entreprise : ne plus venir aux moments informels, s’isoler, etc.
    – l’expression d’un manque de sens quant aux missions ou envers les valeurs de l’organisation dans sa globalité
    – des commentaires sur un éventuel manque d’utilité, ou sur l’absurdité d’une tâche. 

    Les conséquences brown out pour l’employeur

    Le brown out des collaborateurs peut entraîner une perte de productivité, un manque d’intérêt dans le travail et un état de souffrance palpable pour les collègues. Ce sont donc les performances de la société qui peuvent être compromises :
    – retards, erreurs, approximations,
    – baisse de la qualité des produits et services fournis,
    – image de marque dégradée dans le cas d’un employé au contact de la clientèle,
    – des difficultés au sein de l’équipe qui peut se retrouver surchargée de travail,
    – une tension croissante et un sentiment d’injustice de la part des autres collaborateurs en raison d’une mauvaise interprétation de l’attitude du collègue victime de mal-être.

    L’épuisement professionnel peut finalement entraîner une hausse des coûts, les entreprises devant mobiliser des ressources supplémentaires pour compenser les éventuels dégâts, former du personnel pour compenser la baisse de productivité des collaborateurs, etc.

    III. Peut-on prévenir le phénomène du brown out ?

    Peut-on vraiment empêcher un collaborateur de considérer que son travail n’a plus aucun sens ? Oui, qu’importe la tâche ! Plusieurs actions peuvent au moins aider à le contenir ou en limiter les effets, à condition de les conjuguer et ne pas se contenter d’une seule.

    On pourra au préalable se pencher sa proposition de valeur, s’assurer qu’elle est comprise par le salarié… Et lui donner la parole sur ce qu’il entend par « trouver du sens dans leur travail » .

    brown out et perte de sens au travail : décodage
    Source : Deloitte, sens au travail ou sens interdit 2017

    Premier levier pour parer au brown out : qualité de la relation et du lien social proposé

    En France, à l’issue des confinements 72% affirmaient que cet épisode avait été favorable à la réflexion sur « l’intérêt qu’ils éprouvent à croiser du monde tous les jours au travail » (Source Odoxa 2020). Tout est dit !
    Autrement dit, de l’estime, de la reconnaissance, une attention portée à l’individu, au-delà du collègue, que diable ! Travailler la communication au sein de l’entreprise. Prôner plus de transparence, plus d’écoute entre la hiérarchie et les équipes, de sorte à identifier d’éventuelles sources d’incompréhension envers le positionnement de la marque.

    Deuxième levier : inculquer les bonnes postures entre collègues

    43% d’employés estiment que leurs collègues sont plus individualistes qu’avant… (Source : Empreinte humaine 2022) Et si on ré apprenait à faire des retours positifs, instaurer un réflexe de récompense pour les efforts fournis, veiller à une bienveillance de chaque instant en particulier en période de surcharge (lancement de produit, fin de saison, etc.). Plus de conversations informelles peuvent aussi être aussi le moyen de relever un éventuel sentiment d’impuissance face à un mal-être qui gagne du terrain chaque jour.

    Troisième levier : sensibiliser et former les managers à cette affection

    Micro management, harcèlement au travail, surcharge de travail, manque d’encadrement ou de reconnaissance… certaines attitudes auront hélas un effet catalyseur sur un employé en posture de souffrance psychologique. Il convient donc :
    – d’alerter les managers sur ces pratiques qui peuvent avoir des conséquences graves ;
    – de les former à détecter les signes précurseurs de fragilité mentale sous toutes ses formes.

    À lire aussi : Le lien social au travail : l’affaire de tous

    Quatrième levier : installer l’entreprise dans un environnement de travail convivial !

    C’est-à-dire des bureaux où l’on prend plaisir à se rendre, où l’on peut accéder à des services enrichissants et/ou ressourçants (comme par exemple l’accès à une offre de massage… anti-stress directement sur le lieu de travail). Ce peut être un quartier attractif, des locaux relookés pour améliorer la qualité de vie au travail, ou le choix d’un espace de coworking. Cette dernière option permet à ses collaborateurs de fréquenter les lieux dynamiques où ils peuvent élargir leur réseau, faire de nouvelles rencontres, accéder à des ateliers, se retrouver autour de valeurs communes, etc.

    Cinquième levier : analyser le ressenti suite au déploiement du télétravail

    Cette nouvelle organisation du travail ne convient pas de la même façon à toutes et tous. Il convient donc de se pencher attentivement sur le ressenti des collaborateurs au sein de l’entreprise. Ceci afin de détecter d’éventuelles situations d’isolement social, de souffrance mentale ou autres difficultés. Le cas échéant, revoir l’organisation tant pour améliorer les process, que pour valoriser l’autonomie ou la responsabilisation du salarié.

    Sixième levier : accentuer la formation

    Redonner du sens et de la motivation passe aussi par renforcer les programmes d’amélioration des compétences pour encourager les employés à progresser, se positionner sur les projets ambitieux, ou s’autoriser à être force de proposition.

    IV. Quand le brown out est là : que faire

    On ne le dira jamais assez, la prévention est essentielle, tant pour l’entreprise que pour le salarié.
    Non seulement parce qu’il est long ensuite pour ce dernier d’en sortir une fois que le mal-être est installé. Mais aussi parce qu’en France, cette pathologie est très difficile à faire reconnaître comme maladie professionnelle (comme évoqué plus haut le brown-out n’est pas inscrit au tableau des maladies professionnelles indemnisables).

    Pour prétendre à une prise en charge, le salarié doit prouver au Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) :
    – que sa maladie est la conséquence de son seul travail,
    – qu’elle a entraîné chez lui une incapacité d’au moins 25 %,
    Un combat que la personne émotionnellement éprouvée aura bien du mal à mener.

    Accompagner, soulager, se montrer patient

    Vous avez un doute sur la santé mentale de l’un de vos collègues et vous pensez que cet état est lié à son environnement professionnel ?

    – Engagez la conversation sur ses valeurs et aspirations : ne parlez pas, écoutez simplement. Le but est d’offrir une oreille bienveillante et réceptive qui peut faire lieu d’ancrage quand le moral s’en va et que la vie perd tout son sens. Assurez-vous que la personne a une vie personnelle stable et du monde autour d’elle pour la soutenir.

    – Intéressez-vous à son métier : a-telle le sentiment de faire un bullshit job, ces métiers qui n’ont pas vraiment d’utilité dans certaines organisations mais servent simplement l’image de marque. Pourrait-elle envisager une reconversion ou évolution ? Souhaiterait-elle changer d’équipe ou évoluer

    – Essayez de l’encourager sans insistance à consulter la médecine du travail. Il y a fort à parier qu’il y aura un travail psychologique à faire pour recouvrer la santé. Ce qui peut en rebuter plus d’un et inciter à se voiler la face. Le sujet est donc à évoquer par le médecin et non entre collaborateurs.

    – Si vous en avez les moyens : ré-évaluez les tâches, pensez « valeurs et attrait » des missions confiées. Alertez le management ou les RH. Le but étant de prévenir le stress, remobiliser l’investissement émotionnel de l’intéressé et renouer avec la motivation. Faites des feedbacks, des compliments et demandez de l’aide sur certains projets afin de donner le sentiment d’être utile et d’avoir un emploi qui a un impact positif sur son petit monde.

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