Un travailleur sur trois aux Etats-Unis (34%) travaille non pas en tant que salarié, mais en tant que freelance ! C’est ce que révèle l’étude « Freelancing in America ». Et la tendance est à la hausse depuis de nombreuses années. Déjà en 2010, des rapports comme le « Intuit 2020 Report » pointaient cette croissance du travail non-salarié. Est-ce le début de la fin d’un système ? La fin du salariat ? Alors que le salariat a accompagné notre façon de travailler tout au long du XXème siècle, il serait malmené sans ménagement par l’ubérisation galopante de notre économie… Mais surtout il ne correspondrait plus du tout, avec son approche rigide de l’organisation du quotidien, aux aspirations des jeunes générations qui arrivent sur le marché du travail.
Vivons-nous l’hallali du salariat ?
L’ubérisation à l’assaut du salariat
Une des forces à l’oeuvre qui vient déstabiliser le salariat est l’ubérisation de l’économie. Le salariat organise le marché du travail avec d’un côté des acteurs qui viennent vendre leur force de travail et de l’autre des acheteurs, les entreprises, qui viennent acheter ce travail. Avec l’ubérisation, il n’y a plus d’entreprise, plus de marché du travail et donc plus de salariat : à la place, une organisation simple qui se passe tout simplement de l’entreprise comme structure en mettant directement en relation le producteur de biens ou de services et le consommateur. L’entreprise se transformant ici en simple place de marché mettant en relation l’offre et la demande avec pour tout business model le prélèvement d’une commission sur chaque transaction.
L’ubérisation vient aussi toucher à la question du financement du système social. En effet, si les prélèvements sociaux sur la quantité de travail fournie dans le cadre de l’ubérisation ne disparaissent pas, ils sont tout de même nettement diminués. La plupart des salariés ayant fait le choix de l’ubérisation optent pour un statut le plus souvent d’auto-entrepreneur dont le montant des charges évolue entre 13 et 23%, bien loin des 82% que récoltent les organismes sociaux sur chaque salaire versé. D’où la panique dans les sphères gouvernementales et administratives révélées récemment par la décision récente de l’URSSAF Ile-de-France d’attaquer en justice la plate-forme de transport Uber pour salariat dissimulé.
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Changer le salariat, c’est d’abord changer le travail
En réalité, ces forces économiques et politiques qui viennent bousculer le salariat ne sont pas les seules en mouvement. Une lame de fond, plus culturelle, vient également faire trembler les fondations même du salariat : il s’agit de l’organisation du travail lui-même et du rapport au travail que développent le nouvelles générations. On l’a dit, le salariat est également une forme d’organisation du travail qui définit où, quand et combien de temps le salarié doit travailler. Si cet aspect est clairement le moins médiatisé dans ce qui tend à bouleverser le salariat, il s’agit peut- être de l’aspect le plus concret pour les salariés. En effet, le salariat repose sur un modèle hiérarchique d’organisation du travail qui ne laisse aucune place au salarié pour organiser sa production : c’est l’employeur qui décide tout et organise à 100% le travail du salarié dans le respect du cadre législatif en vigueur : son lieu, sa durée, son rythme, ses congés…
Freelance VS salariat : le besoin de liberté ?
La chose est réglée, qu’il se déroule en 3×8, aux 35h ou aux 39h : la journée de travail commence à un instant donné et se termine 7 à 8h plus tard avec l’obligation de dédier cette plage horaire à la production de l’entreprise. L’heure d’arrivée au travail, si elle peut varier d’une région à une autre, d’une industrie à une autre est en général la même pour toute l’entreprise. Le salarié n’a donc aucune maîtrise de l’organisation de sa journée, celle-ci étant décidée à 100% par le chef d’entreprise dont c’est la prérogative. Et pourtant, cette vision de l’organisation du travail paraît aujourd’hui très patriarcale : elle dé-responsabilise le salarié et impose une discipline. A contre- courant de cette organisation du travail, le travail freelance semble prendre son envol. Avec plus de 700 000 freelances en France et une croissance de +85% ces 10 dernières années, les travailleurs en freelance sont de plus en plus nombreux. Quelles sont les raisons qui motivent ces individus à sortir du salariat ? Clairement, la raison financière apparaît comme marginale puisque seulement 12% d’entre eux disent s’être mis à leur compte pour gagner plus. Non, la véritable raison qui pousse un travailleur à devenir freelance, c’est la liberté : 69% des freelances disent ainsi s’être mis à leur compte par choix de vie. La tendance montante du travail en freelance traduit-elle un refus grandissant du carcan de la journée de travail type qu’impose le salariat ?
Le bureau, symbole du salariat, doit changer
Alors que la nécessité du lieu de production prenait tout son sens à l’ère industrielle, l’économie de service et ses moyens de production décentralisés, interconnectés, et autonomes du XXIème siècle (en gros l’ordinateur portable) révèlent au grand jour l’absurdité d’un lieu dédié à la production pour laisser la place à un lieu de travail au sein duquel priment les relations sociales, la collaboration, le confort et le bien-être. En 2012, un rapport du gouvernement révélait que le télétravail concernait 12% des salariés. Mieux, si l’on sonde les aspirations des salariés, on réalise que 71% d’entre eux souhaitent pouvoir accéder au télétravail qu’ils qualifient de «révolutionnaire » et dont ils souhaitent que les entreprises accélèrent le développement. Le constat est là, les salariés ne veulent plus de leur bureau, du moins plus tel qu’il existe. Cette attirance pour le télétravail n’est pas un refus du travailler en commun, il est un appel à repenser l’espace de travail. En effet, si le télétravail séduit, 38% des salariés l’ayant expérimentés disent se sentir isolés et 64% regrettent de ne pouvoir côtoyer leurs collègues. D’où l’émergence de la mouvance du Co-working qui bouscule les codes du bureau traditionnel en innovant sur tous les fronts comme le fait par exemple Wojo.
Et si le salariat, c’était (bientôt) fini ?
Le salariat semble donc bel et bien malmené. Les alternatives à l’oeuvre, qu’elles s’appellent ubérisation, freelance ou auto-entrepreneur séduisent de plus en plus. Allons-nous tous devenir entrepreneur ? Le pouvons nous ? Au delà de ces questions reste la réalité d’un changement sociétal de fond qui voit les nouvelles générations délaisser de plus en plus le salariat au profit d’alternatives – plus risquées – mais qui semblent plus convenir à l’ère du temps. Et si le salariat apparaît comme un modèle qui ne convient plus au travailleur autant qu’il semble ne plus répondre aux problèmes de nos sociétés modernes, il est peut-être temps de s’interroger : et si le salariat, c’était bientôt fini ?