« Nous développons ce projet en mode agile », « nos équipes travaillent en mode agile » : une ritournelle que vous avez beaucoup entendue ces derniers temps, non ? Et pour cause, la méthode agile est à la mode et nombreuses sont les entreprises qui prétendent se transformer grâce à ladite méthode agile. Sauf que… force est de constater que beaucoup confondent agilité et désorganisation, faute de maîtriser les fondamentaux de cette méthode. Débroussaillage du sujet avec Sébastien Morizot, VP Digital et Marketing chez Wojo.
Commençons par le commencement, avec la définition donnée par le Larousse : agile, n.f., 1/ souple et alerte dans les mouvements du corps ; 2/ qui est vif, prompt à comprendre. On a donc les notions de réactivité, de souplesse et d’adaptabilité, qui ont inspiré les auteurs du Manifeste Agile, rédigé en 2001 (eh oui, ça ne date pas d’hier).
Au commencement, un manifeste agile conçu pour le marché des tech’
En 2001, dix-sept hommes d’affaires spécialisés de l’univers de la tech co-signent le Manifeste Agile, inspiré de leurs expériences respectives en gestion de projet. Ils expliquent vouloir privilégier « les interactions humaines plutôt que les processus, les logiciels opérationnels plutôt qu’une documentation exhaustive, la collaboration avec les clients plutôt que la négociation contractuelle, et l’adaptation au changement plutôt que le suivi d’un plan ».
Tout un programme donc, qui repose sur des cycles de développement itératif et adaptatif, impliquant le client tout au long du processus et permettant de réagir très rapidement à ses demandes. Sébastien Morizot, VP digital et Marketing chez Wojo, en résume les grandes lignes ainsi : « Les méthodes agiles, car il y en a plusieurs, visent à mettre plus rapidement les produits à disposition des personnes, sans rédiger un énorme cahier des charges au préalable et sans s’embarquer dans un interminable projet en V. Il y avait une volonté d’arrêter les effets tunnel, cause d’échec dans ces projets. Non seulement il y avait une forte lassitude des équipes, mais surtout, quand l’outil ou le produit sortait enfin et qu’on l’utilisait, on découvrait alors ses défauts ou manquements de conception… mais un peu tard ! »
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Plusieurs méthodes agiles existent : RAD (pour Rapid Application Development), DSDM (pour Dynamic systems development method), FDD (Feature driver development), etc. Les deux plus utilisées aujourd’hui, et qui ont essaimé bien au-delà de l’univers de la tech’, s’inscrivent dans une logique d’amélioration continue (Lean, en anglais) : la méthode Extreme Programming (XP) et la méthode Scrum. Elles s’utilisent séparément ou conjointement selon la typologique du projet.
C’est quoi au juste, travailler en mode agile ?
Revenons à nos moutons. Un projet mené en mode agile repose sur la création d’un backlog, sorte de boîte à suggestions (une idée, développée ensuite avec une animation spécifique pour la préciser et la transformer en fonctionnalité produit) du projet où l’on enregistre au fur et à mesure les demandes liées au développement du produit. Ce réservoir évolutif se vide et se remplit au fil de l’avancée du projet et de l’animation autour du backlog.
L’équipe projet l’utilise pour définir les tâches prioritaires afin d’obtenir le plus rapidement possible le « minimum viable product », c’est-à-dire une version utilisable du produit doté de ses fonctions essentielles, auxquelles viendront s’ajouter progressivement de nouvelles fonctions. « Les technologies permettent aujourd’hui d’avoir un rendu partiel très rapide, explique Sébastien Morizot, et le séquencement des tâches en sprints permet de délivrer, toutes les deux ou trois semaines, de petites évolutions. On met ainsi à disposition très rapidement un produit minimaliste, qui s’enrichit au fur et à mesure. »
Le produit est ainsi testé en continu, ce qui permet d’ajuster la suite de son développement en fonction des demandes du client et des tests réalisés en usage réel. « C’est très en lien avec le design thinking de produit, avec des post-it qui dessinent progressivement toutes les fonctionnalités que le produit doit avoir. »
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Les avantages de la méthode agile…
« Cette méthode est très intéressante car elle permet d’être réactif par rapport aux évolutions du marché et / ou des besoins et demandes du client, d’abandonner certaines fonctionnalités si leur test n’est pas concluant, et d’en ajouter d’autres en cours de route », explique Sébastien Morizot. Un concept que les agilistes appellent le « fail fast ». Plaît-il ? Cela veut dire qu’on s’autorise à tester une idée en limitant les conséquences de l’échec, puisqu’on la développe très rapidement, lors d’un sprint, et qu’on l’abandonne tout aussi rapidement si elle n’est pas concluante ou ne reçoit pas le succès attendu. La qualité du rendu final est ainsi bien meilleure que dans la méthode traditionnelle. Mais ce n’est pas tout.
« La capacité à embarquer les gens est beaucoup plus forte, puisqu’ils voient se concrétiser très vite le fruit de leurs efforts. Au lieu d’être dans un fonctionnement en cascade et un plan d’action qui imposent de tout penser dès le départ, le projet agile est dirigé par une vision. C’est une méthode de travail entre personnes qui savent où elles veulent aller, qui laisse la liberté de réfléchir en fonction de ce qui est livré pour partir sur une nouvelle idée. Autre atout : le mode agile implique de travailler en mode pluridisciplinaire, avec des expertises variées qui travaillent en mode intégré, de manière beaucoup plus fluide puisque chacun exprime ses besoins au fur et à mesure. »
Et les écueils à éviter !
« Mais attention, mode agile ne rime pas avec mode bordel ! On confond trop souvent méthode agile et idées échangées dans un couloir, qui provoquent une désorganisation totale, s’agace l’expert digital et marketing. Au contraire, elle nécessite une très bonne hygiène de fonctionnement et d’animation, plus compliquée à tenir que la méthode traditionnelle en V car elle demande des interactions continues et l’implication de tous. »
S’appuyer sur le backlog permet de rajouter des tâches en cours de route, mais le nombre de tâches engagées et traitées dans chaque sprint, lui, ne peut pas varier, sous peine de surcharger les équipes. « Il faut donc hiérarchiser les priorités, et accepter qu’une tâche ne soit pas traitée tout de suite car elle n’est pas prioritaire pour le fonctionnement immédiat du produit. Elle le sera dans un sprint ultérieur. » Ce qui suscite parfois (souvent) des incompréhensions chez les collaborateurs et managers habitués aux délais de livraison à date fixe, inhérents à la méthode en V.
Peut-on se former à être agile ?
« C’est même indispensable, martèle Sébastien Morizot. C’est important de comprendre les fondamentaux de la méthode, qu’est-ce qu’un sprint, un backlog, comment on transforme une idée en fonctionnalité/produit, pour ensuite planifier ses tâches correctement. Cela ne s’improvise pas. » Chez Wojo, les équipes marketing et communication sont formées à la méthode agile afin d’apprendre à formuler correctement les demandes, hiérarchiser les besoins et organiser les sprints selon le poids de chacune des tâches. « Tout le monde a tendance à vouloir tout mettre tout de suite, alors qu’il faut apprendre à séquencer, justement. »
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Un fonctionnement qui nécessite aussi des soft skills, comme la concision et la précision dans l’expression de ses demandes, et l’écoute respectueuse de celles des autres membres de l’équipe projet. Le facteur humain est au cœur de la méthode agile, ainsi que la capacité des uns et des autres à travailler ensemble, et à avoir des interactions qualitatives entre des personnes qui ont des approches très différentes. « En bref, un projet agile, c’est aussi une très belle aventure humaine », sourit Sébastien Morizot.
Agile sinon rien ?
La méthode agile exclut-elle tout autre possibilité de fonctionnement ? « Que nenni, répond notre expert. J’ai une vision hybride des organisations et des projets. Il faut pouvoir naviguer entre le cycle en V et la méthode agile pour rester le plus réactif possible et s’adapter aux exigences de temps ou de budget. Sans oublier que tous les projets ne peuvent pas être gérés en mode agile. »
La fiche mémo de la méthode agile
Les douze commandements qui structurent un projet agile :
- Satisfaire le client en priorité
- Accueillir favorablement les demandes de changement
- Livrer le plus souvent possible des versions opérationnelles de l’application
- Assurer une coopération permanente entre le client et l’équipe projet
- Construire des projets autour d’individus motivés
- Privilégier la conversation en face à face
- Mesurer l’avancement du projet en termes de fonctionnalités de l’application
- Faire avancer le projet à un rythme soutenable et constant
- Porter une attention continue à l’excellence technique et à la conception
- Faire simple
- Responsabiliser les équipes
- Ajuster à intervalles réguliers son comportement et ses processus pour être plus efficace
Petit glossaire pour parler comme les agilistes :
BACKLOG : ensemble des besoins exprimés pour créer le produit désiré et les bugs à résoudre. Ce backlog évolue tout au long du développement du produit.
BACKLOG GROOMING : instant d’échange qui permet de qualifier les idées, et de les transformer pour être intégrées au produit et à un sprint.
SPRINT (aussi appelé ITÉRATION) : cycle de deux à trois semaines au cours duquel l’équipe réalise un nombre déterminé de tâches issues du backlog. Chaque sprint est planifié par le Product Owner et l’équipe de développement en sélectionnant des éléments du backlog.
DAILY MEETING : réunion quotidienne qui rassemble l’ensemble de l’équipe projet, et ne doit pas durer plus de 15 minutes. Elle se déroule de préférence debout pour rester courte.
KANBAN : avec un « k » minuscule, tableau des tâches, utilisé pour suivre l’avancée des tâches du sprint en cours. Avec une majuscule, désigne une méthode fondée sur le management visuel des tâches.
PRODUCT OWNER : responsable de la vision du produit que l’on souhaite réaliser, il supervise le backlog et est en interaction directe avec l’équipe de développement.
SCRUM MASTER : chef d’orchestre qui aide l’équipe agile à avancer de manière autonome, qui s’assure du respect du cadre de la méthode. Il joue aussi le rôle de coach auprès de l’équipe de développement et du Product Owner, forme les membres de l’équipe aux méthodes agiles et anime les échanges entre eux.
STORY POINT : unité d’estimation utilisée dans les projets agiles, qui permet de faciliter l’estimation du temps homme et des délais nécessaires à la réalisation de chaque tâche, en vue de la planification des sprints.
USER STORY (aussi appelée STORY) : formalisation des besoins de manière synthétique sans perdre de vue l’essentiel. Le besoin concerne QUI ? En QUOI consiste-t-il ? Dans quel BUT ?
À propos de Sébastien Morizot, VP Digital et Marketing chez Wojo
Sébastien soutient la croissance de l’entreprise en dirigeant son développement dans les tiers lieux, les actions de marketing et communication, et le Tech lab. Avec son équipe, il impulse la réflexion sur la conception de nouvelles offres, la plateformisation du métier et des services, et coordonne l’animation de la communauté.
Sébastien conçoit le digital comme un moyen de se libérer des contraintes physiques, et qui favorise la créativité et la productivité. Son objectif : créer un univers serviciel pour la communauté Wojo et les collaborateurs, spécifiquement conçu pour les nouveaux modes de travail.
Article rédigé par Clémentine Garnier pour
Wojo
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