Où en est la e-santé à l’heure du RGPD ? Pourtant convaincus de l’intérêt des dispositifs de l’e-santé, la confiance que les Français leur accordent recule, et ils restent réticents à les adopter. On vous explique le pourquoi du comment, avec des entrepreneurs du secteur présents dans la communauté Wojo, qui nous livrent leurs bonnes pratiques pour faire avancer les mentalités.
Sous le terme e-santé se cache une profusion de services et innovations, définie par l’OMS comme « les services du numérique au service du bien-être de la personne », et l’utilisation des « outils de production, de transmission, de gestion et de partage d’informations numérisées au bénéfice des pratiques tant médicales que médico-sociales ».
Vaste programme, dans lequel de nombreuses entreprises françaises se sont lancées et dont le gouvernement a fait une priorité dans sa Stratégie nationale de santé (SNS) publiée en décembre 2017. L’ambition affichée : généraliser l’usage du numérique, et notamment les pratiques de télémédecine, le partage sécurisé de données médicales ou le déploiement de la prescription électronique pour répondre aux enjeux de santé publique et lutter contre les inégalités sociales et territoriales.
Mais – car il y a un mais, l’adhésion des Français envers ces innovations marque le pas, comme le montre le baromètre santé 2018 réalisé par le cabinet Deloitte1.
E-santé x Frenchies : pas encore le grand amour
Objets connectés, transmission des données de santé, télémédecine… sont des sujets qui divisent nos compatriotes. En résumé, ils trouvent ça super… mais pas pour eux, merci bien. S’ils adhèrent largement aux outils de prise de rendez-vous en ligne (utilisés à 32%) et sont convaincus que l’utilisation du digital dans la santé est un moyen efficace d’améliorer la coordination des professionnels de santé (81%), le suivi des patients (73%), le maintien à domicile et la diminution des déplacements des patients (73% dans les deux cas), seuls 29% sont prêts à utiliser la télémédecine… Cherchez l’erreur.
Quant aux objets connectés en lien avec la santé, l’intérêt les concernant marque un net recul, passant de 19 à 12%, les reléguant pour bon nombre de Français au rang de gadgets. Les appareils de prévention comme les tensiomètres ou détecteurs de chute en pâtissent, 53% des Français n’étant pas intéressés par ces mesures de prévention.
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La méfiance, frein à l’adoption de l’e-santé
Si les Français sont convaincus que l’e-santé est porteuse de progrès, pourquoi tant de réticences à l’intégrer davantage dans leur quotidien ? Sur le podium des craintes, la peur de la disparition du facteur humain prédomine chez 43% d’entre eux, talonnée par la méfiance sur la confidentialité des données (38%). Le médecin traitant reste la méga star à qui les patients consentent volontiers (à 90%) à livrer leurs données personnelles, loin devant le pharmacien… et les GAFAM (11%). Les poids lourds du numérique ont encore du chemin à parcourir avant de séduire nos compatriotes, qui sont tout de même 24% à ne pas leur faire confiance du tout, malgré les investissements colossaux réalisés par les grandes firmes dans la filière.
Un secteur économique en plein boom
Pendant que leurs compatriotes se tâtent sur leur usage de l’e-santé, les entreprises françaises, elles, n’attendent pas pour avancer et entrer dans la course avec les nations les plus en pointe sur l’e-santé comme le Royaume-Uni ou les pays nordiques. En témoigne la spectaculaire levée de fonds de 61 millions réalisée en 2017 par Doctolib, leader de l’e-santé en Europe, ou le soutien accordé par la BPI à la filière e-santé, avec 171 millions investis en 2016. Un dynamisme soutenu par l’importance croissante de la prévention primaire, les débuts de la médecine prédictive, l’utilisation de la big data pour l’aide à la décision médicale, le développement des systèmes d’information hospitaliers (SIH)… et l’essor des maladies chroniques dans les pays occidentaux.
Le défi des maladies chroniques
L’une des grandes promesses de l’e-santé est là : alors que plus de 10 millions de patients en France sont atteints par une affection de longue durée (ALD), soit près de 17% de la population selon les derniers chiffres publiés par l’Assurance Maladie, il devient évident que le système de santé français n’est pas calibré pour la prise en charge au long cours de ces patients. « L’explosion des maladies chroniques nécessite un transfert du soin à domicile dans la durée. Nous sommes convaincus que la prestation de santé à domicile sera très structurante dans l’offre de soin du futur face aux maladies chroniques, qui pourraient toucher jusqu’à 20% de la population dans quelques années » expliquent d’une même voix Yann Goïot et Olivier Félix, cofondateurs de SomniPlanet, une start-up prestataire de santé à domicile qui a développé une prise en charge innovante des patients souffrant d’apnée du sommeil.
Le patient au centre de la révolution de la e-santé
SomniPlanet utilise des matériels de pointe, interconnectés grâce une plateforme informatique spécifique développée par ses équipes, qui permet le partage d’informations de façon sécurisée, en interconnectant médecin et patient, mais aussi tous les acteurs internes et externes de la chaine de soins. « Cette approche permet de replacer le patient au centre du dispositif de prise en charge, de le rendre acteur de son traitement et d’intervenir auprès de lui de façon proactive au bon moment et avec les bons moyens, ce qui favorise l’adhésion et la persistance au traitement.»
Jérôme Augustin, président de la PME Physidia, souligne aussi l’importance du changement induit pour les patients. La société a développé un appareil permettant de réaliser ses hémodyalises à domicile à bas débit et de transmettre ses données à son médecin. Ce médecin et cardiologue de formation confirme : « C’est une véritable révolution qui permet aux patients de retrouver une vie aussi normale que possible. Jusqu’ici, ils étaient obligés de faire leurs dyalises à l’hôpital, ce qui coûte très cher à l’Assurance Maladie et les désocialise. Nous les ramenons à domicile avec notre machine. Tout le monde y gagne. Le patient devient acteur de son traitement, suivi à distance par son médecin. » La technologie permet de mettre en place un suivi rigoureux et d’envoyer des alertes au médecin lorsque les données ne sont pas bonnes. Il va alors appeler le patient, et adapter son traitement si nécessaire ou effectuer une téléconsultation.
Signe des temps, l’Assurance Maladie a intégré le remboursement du télésuivi à domicile de l’apnée du sommeil dans sa nomenclature de remboursement 2018, avec un facteur incitatif pour les prestataires de santé à domicile, comme SomniPlanet. C’est le pilote de télésuivi de maladie chronique le plus important déployé à ce jour au niveau européen (cocorico), et un signal fort envoyé par le gouvernement, notamment concernant la rémunération à la performance.
Les données personnelles, le sujet qui fâche… mais de moins en moins
Si les patients sont conscients des bénéfices qu’ils retirent d’innovations comme celles proposées par Physidia ou SomniPlanet, la donnée reste un sujet sensible pour certains. « On a environ 7% de nos patients qui se braquent et refusent de transmettre les données. Ils préfèrent voir leur médecin une fois par mois, quitte à prendre le risque qu’un problème soit détecté avec un temps de retard » explique Jérôme Augustin. « Il y a une grosse pression sur ce sujet, donc nous sommes très transparents avec nos patients, souligne Olivier Félix. Nous nous réjouissons de l’entrée en vigueur du RGPD, qui demande de la discipline, des développements spécifiques, et qui est génératrice de valeur. Donner le contrôle de leurs données aux patients lèvera les dernières réticences, cela va dans le bon sens. Nous lançons d’ailleurs prochainement une plateforme destinée à nos patients où ils retrouveront l’intégralité de leurs données en temps réel. »
Formation et information moteurs de l’adhésion à la e-santé
Face aux changements induits par le télésuivi, les professionnels du secteur jouent la carte de la formation. « Nous avons pris la décision d’investir dans l’éducation dans tous les pays où nous sommes présents, explique le PDG de Physidia, en formant les infirmières qui sont dans les centres de dyalise et interagissent avec les patients. Nous organisons aussi des formations communes avec les patients, afin de leur expliquer quelles informations sont transmises et surtout comment elles vont permettre au médecin de les suivre. »
SomniPlanet mise sur la même stratégie en formant l’ensemble de ses équipes à l’entretien motivationnel. « Il faut d’abord écouter pour comprendre les blocages et craintes, appuie Olivier Félix, puis leur faire comprendre le bénéfice qu’ils en retirent. Nous proposons aussi un coach personnel qui répond à leurs questions et se montre proactif s’il constate un problème à l’analyse de leurs données. Ce retour d’information est très précieux pour les patients. »
Les enjeux de la e-santé
Vous l’avez compris, le développement de la e-santé annonce des bouleversements majeurs dans l’organisation du système de santé et des pratiques professionnelles. Elle offre aux patients la possibilité de devenir vraiment acteurs de leur santé, en favorisant la prévention, l’observance des traitements en cas de pathologie, et facilite l’accès à la consultation. Les professionnels du secteur l’ont compris : pour arriver à ce résultat, à eux de mettre le paquet sur l’éducation des Français !
À PROPOS
Pour creuser le sujet, on se plonge dans la lecture de Prévenir plutôt que guérir, la révolution de la e-santé, par Alexis Normand (éditions Eyrolles, 2017). Ce livre précis et dépassionné donne de nombreux exemples d’initiatives américaines et européennes, pointe les risques de dérives et propose une réflexion sur la révolution numérique dans le monde de la santé.
MERCI À
Jérôme AUGUSTIN, médecin de formation, a quitté la direction du géant AMS pour prendre les rênes de Physidia. La solution de dyalise quotidienne à domicile S3 développée par Physidia a déjà changé le quotidien de nombreux malades en France et à l’étranger, et continue sa croissance à vitesse grand V.
Yann GOÏOT, Olivier FÉLIX et Johann SASCO ont fondé SomniPlanet, convaincus que l’avenir de la santé se joue dans la prestation de santé à domicile. Leurs puissants outils numériques sont mis au service des acteurs humains : SomniPlanet apporte aux patients un service individualisé, basé sur les interactions humaines grâce à leur « SomniNurse » et leur « SomniCoach » personnels. Toutes leurs équipes sont formées à l’entretien motivationnel afin d’accompagner chaque patient de manière personnalisée, ce qui semble fonctionner puisque le taux d’adhésion des patients approche les 100%.
- Etude « Les Français et la santé » réalisée par OpinionWay pour Deloitte, menée en mars 2018 sur un échantillon de 2003 personnes.
- Source : Ameli, Prévalence des ALD en 2016, publication de décembre 2017