Souvent décriés par leurs équipes, les managers sont régulièrement la cible de nombreuses critiques. Trop directifs, pas assez communicants, trop intrusifs, trop protecteurs, trop absents… trouver le juste équilibre dans cette fonction semble être une gageure, et le nouveau modèle d’entreprise libérée propose carrément de se débarrasser d’eux. Alors que près de 80% des Français déclarent ne pas vouloir devenir manager, est-il possible de s’épanouir dans cette fonction ? Si oui, comment ? Réponse avec deux experts du sujet.
Devenir manager, une ambition qui a du plomb dans l’aile
« Le management, c’est simple, explique Alexandre Gaertner, coach spécialisé en performance commerciale, tout le monde veut en faire, et le jour où vous en faites, vous ne rêvez que d’une chose, c’est de ne plus avoir à en faire ! » Une boutade qui ressemble fort à la réalité puisque dans une récente étude1 réalisée par Audencia Business School, 79% des salariés français déclaraient ne pas vouloir endosser les fonctions de leur supérieur, la principale raison avancée étant le stress généré, devançant de peu la lourdeur des tâches administratives et le manque de reconnaissance en interne. « C’est très ingrat comme fonction, appuie Alexandre Gaertner, quand tu deviens manager, tu dois accepter de ne plus être aimé, ce qui n’est pas facile. Et tu reçois chaque jour bien plus de plaintes et réclamations que de feedbacks positifs. »
Une autre difficulté dont sont conscients ces salariés qui ne veulent pas entendre parler de fonction managériale, est le manque de moyens pour agir. « C’est vrai que les managers, surtout les managers intermédiaires, sont vraiment entre le marteau et l’enclume, confirme Bénédicte Bigot, ex-formatrice et responsable RH chez Witbe. Le marteau, c’est leur top management qui porte la vision de l’entreprise sans toujours bien la communiquer, les obligeant à naviguer à l’aveugle. Et l’enclume, ce sont les collaborateurs, surtout les jeunes, qui ont de nouvelles attentes et veulent du management transparent et collaboratif. Les managers ont souvent peu de moyens pour assurer leurs fonctions. »
À lire aussi : Faillite managériale : répondre par l’innovation managériale
LE GUIDE GRATUIT POUR BIEN CHOISIR VOS BUREAUX
- Décryptez le prix par poste d'un bureau flexible
- Optimisez vos charges immobilières
- Bureaux flexibles vs bureaux traditionnels : le match
- Bien choisir son bureau flexible
- 3 études de cas d'entreprises : grand compte, PME, start-up
Management d’hier et salariés d’aujourd’hui, le choc des cultures
« On est encore dans un système où le manager dit à ses équipes « comment » faire, dans une posture qui est un héritage de l’ère industrielle, où les ouvriers avaient besoin d’être dirigés de manière très précise et directive, explique Alexandre Gaertner. Les managers doivent passer au « pourquoi », qui valorise l’autonomie et la responsabilisation de chaque collaborateur. » Cela veut-il dire supprimer le management ? Que nenni, répondent les experts.
Car même si l’entreprise libérée propose de s’affranchir du management, on se rend compte que les leaders sont indispensables pour créer de la cohésion à différents niveaux de l’entreprise. « Leur nom ou leur mode de désignation change, explique Bénédicte Bigot, mais la fonction reste la même, créer des synergies positives et faire appliquer la stratégie de l’entreprise à un niveau opérationnel. Prenez des naufragés sur un radeau, vous pouvez être sûr qu’au bout de quelques minutes, il y en aura un qui prendra naturellement le lead, c’est dans la nature du groupe de se chercher un chef. » Ok, mais donc puisque l’entreprise ne peut pas s’en passer, comment les aider à mieux accomplir leur mission ?
Moi, manager… un changement qui ne s’improvise pas
« Dans les petites entreprises, les managers sont souvent d’anciens opérationnels qu’on fait évoluer comme managers lorsque la structure grossit, explique Bénédicte Bigot, mais qui n’ont pas toujours ni la formation nécessaire, ni les compétences. » Et sans accompagnement approprié, le risque est de commettre des erreurs qui entachent la crédibilité de ces nouveaux managers auprès de leurs équipes et qui les fragilisent.
« C’est important de ne pas bombarder quelqu’un manager juste pour lui apporter de la reconnaissance ou parce qu’il faut mettre quelqu’un à ce poste-là », rappelle Bénédicte, qui détaille d’autres façons de valoriser les salariés, par exemple en leur confiant :
- l’accompagnement de jeunes entrants,
- des projets transverses qui vont au-delà de leur mission initiale,
- une partie de la fonction de manager, comme la coordination dans l’équipe.
« Et surtout, il est impératif de proposer une formation lorsqu’on fait évoluer quelqu’un sur du management », déclarent d’une même voix les deux experts.
Peut-on apprendre à devenir manager ?
Oui et non, répondent Alexandre et Bénédicte. Tous deux soulignent l’importance de la confiance en soi, indispensable pour accepter la remise en question, les critiques, et l’incapacité à résoudre tous les problèmes qui arrivent sur le bureau du manager. « Cette confiance en soi, elle se travaille », rappelle Alexandre Gaertner. « Savoir parfois dire « je ne sais pas » est très important quand on est manager. » Il souligne aussi l’importance de la confiance portée à ses collaborateurs, et la capacité du manager à les amener à trouver des solutions par eux-mêmes plutôt que d’endosser tous les problèmes de l’équipe.
« Il est essentiel de s’intéresser aux autres pour s’épanouir dans son rôle, et de savoir faire preuve d’assertivité, c’est-à-dire être capable de s’affirmer tout en respectant autrui » ajoute Bénédicte Bigot, « car être manager c’est écrire droit sur des lignes courbes ». Elle souligne aussi l’importance du sens politique et la capacité à emprunter des chemins détournés pour arriver à ses fins.
Humilité et courage sont deux autres piliers du management, rappellent Alexandre et Bénédicte. L’humilité de reconnaître ses erreurs, et le courage de parler des sujets qui dérangent, de ne pas laisser s’installer les non-dits. « C’est à la fois oser dire, mais aussi oser entendre en posant des questions sur des sujets qu’on sent sensible », souligne le coach.
« Être manager, c’est écrire droit sur des lignes courbes. »
Quelles sont les formations indispensables à tout manager ?
Si les qualités ci-dessus se peaufinent au gré du cheminement personnel de chacun, d’autres compétences importantes s’acquièrent via des formations. « En France, l’école ne nous apprend pas à gérer les relations interpersonnelles, les émotions, les difficultés de groupe, on ne te donne pas les clés d’un bon travail d’équipe » regrette Bénédicte Bigot, qui identifie une hiérarchie des formations à proposer aux salariés au fil de leurs évolutions.
Les formations incontournables pour démarrer sont celles qui portent sur la communication, l’assertivité, et la compréhension des différentes personnalités. « Prendre conscience que tout le monde ne fonctionne pas pareil, et qu’une façon de communiquer convient à certains mais pas à tous, c’est déjà avoir fait 60% du chemin » sourit Bénédicte.
Ensuite, en niveau intermédiaire, il faut apprendre à fixer des objectifs clairs, à valoriser, à animer l’équipe toute l’année pour faire participer tout le monde. « Si chaque collaborateur arrive le matin en étant au clair sur ses objectifs et sa place dans l’organisation, on diminue les tensions et on injecte de la motivation », confirme Alexandre Gaertner.
Quant aux top managers, ils doivent apprendre à piloter, à communiquer sur leur vision au sein de l’entreprise, et à accompagner le changement.
Avis donc aux dirigeants, managers et futurs managers qui nous lisent, on a envie de vous lancer, en hommage au management d’antan, un bon vieux : « Y’a plus qu’à », mais on choisit plutôt de vous inviter à lire deux ouvrages conseillés par Alexandre Gaertner.
- Liberté et Cie, d’Isaac Getz et Brian M. Garney (éditions Flammarion, 2016), étudie le nouveau modèle de management de l’entreprise libérée et ses succès
- Les Entreprises humanistes, de Jacques Lecomte (éditions Les Arènes, 2016) décryptent les nombreuses études ayant prouvé que les valeurs humanistes rendent plus fortes les entreprises qui les appliquent.
Bonne lecture.
LES BONNES IDÉES À RETENIR
- S’inscrire aux formations organisées par le Réseau Germe, qui fonctionne à travers 150 groupes répartis sur tout le territoire, et combine des formations avec des ateliers de partage de pratique entre managers. Le top pour progresser tout en se construisant un réseau béton.
- Apprendre à poser les bonnes questions à vos collaborateurs ou managers, et développer l’art de laisser votre interlocuteur se convaincre lui-même en potassant le livre Spin Selling, de Neil Rackam, recommandé par Bénédicte Bigot. L’auteur s’est basé sur 68.000 écoutes d’entretien de vente pour identifier les techniques plus efficaces, à expérimenter sans attendre.
- A lire aussi : [Holacratie] Tom Thomison : quelle organisation pour l’entreprise de demain ?
- A lire aussi : [Dossier] Qu’est-ce que l’holacratie, cette méthode de management révolutionnaire ?
MERCI À
Bénédicte Bigot, ex-consultante en formation, est aujourd’hui RH Manager chez Witbe, éditeur de logiciels informatiques, mais aussi chef d’une entreprise familiale. Passionnée par les relations humaines, elle est experte en formation avec un focus sur la communication interpersonnelle et l’accompagnement des managers au service du business.
Avec 25 ans d’expérience dans le développement commercial et le management, Alexandre Gaertner a fondé Alyxo, qui accompagne les entreprises de toutes tailles dans le développement de leur performance commerciale. IL est également coach de cadres et dirigeants. Convaincu que l’Humain, (re)mis au cœur des organisations, est la plus grande source de productivité de l’entreprise, Alexandre encourage un management fondé sur la confiance.
1 – Enquête réalisée par Audencia Business School et BVA en décembre 2017 auprès d’un échantillon représentatif de 1000 salariés français (non cadres et non managers) âgés de 18 ans et plus.
Article rédigé par Clémentine Garnier pour Wojo