Notifications incessantes, articles en rafale, flux de posts sur les réseaux sociaux… Chaque jour, nous sommes exposés à une quantité colossale d’informations et de contenus : presse en ligne, TV, radio, newsletters, fils d’actualités et groupes de discussion… au risque d’arriver à saturation. Selon une étude de la Fondation Jean-Jaurès, 53% des Français déclarent souffrir de fatigue informationnelle, et 38% en souffrent « beaucoup ».
Cette « infobésité », touche toutes les catégories de population. Mais qu’est-ce que la fatigue informationnelle au juste ? Comment se manifeste-t-elle et pourquoi s’est-elle intensifiée ces dernières années ? Décryptage des causes et des conséquences de cette surcharge cognitive, et conseils pour mieux gérer son rapport à l’information.
Qu’est-ce que la fatigue informationnelle ?
Le concept de fatigue informationnelle n’est pas nouveau. Déjà dans les années 1970, le sociologue et philosophe Edgar Morin évoquait « l’excès qui étouffe l’information ». À l’époque, l’essor des médias de masse commençait à poser des questions sur la surcharge cognitive. Aujourd’hui, avec l’ère numérique et l’hyperconnectivité, cette surcharge a atteint un niveau critique.
Définition et manifestations
La fatigue informationnelle désigne un état de lassitude et d’épuisement mental face à un afflux constant d’informations. Contrairement à un « simple » surmenage ponctuel, elle s’installe progressivement et impacte aussi bien la concentration que la santé mentale.
Les signes caractéristiques incluent :
- Difficulté à trier l’information : sensation d’être submergé.e, incapacité à distinguer ce qui est essentiel de ce qui est accessoire.
- Perte de concentration : difficulté à se focaliser sur une tâche prolongée, interruptions fréquentes.
- Stress et anxiété : impression d’être oppressé.e par l’actualité, peur de « manquer quelque chose » (FOMO – Fear of Missing Out).
- Défiance croissante envers les médias : une consommation excessive d’information peut paradoxalement renforcer un rejet des contenus médiatiques.
- Épuisement mental : besoin de « couper » avec l’information après une journée de travail ou une période d’actualité intense.
Fatigue informationnelle ou infobésité ?
On parle parfois d’infobésité, un terme popularisé par le journaliste américain David Shenk. L’infobésité renvoie spécifiquement à l’accumulation excessive d’informations, qui peut provoquer un stress, allant jusqu’à une paralysie décisionnelle.
Si l’on résume les différences entre les deux termes, on retient :
- Fatigue informationnelle = état psychologique de lassitude face à l’information.
- Infobésité = quantité excessive d’informations, indépendamment de l’impact psychologique.
Les deux phénomènes sont liés. Plus on consomme d’informations, plus on risque de ressentir une fatigue cognitive, d’où l’importance de réguler sa consommation.
Un phénomène en hausse, confirmé par les chiffres
Plusieurs études mettent en évidence la montée de cette surcharge informationnelle :
- 53% des Français se disent fatigués de l’information, dont 38% « beaucoup » (Fondation Jean-Jaurès, 2022).
- 54% des Français estiment que l’actualité est « trop anxiogène », les poussant à s’en détourner, selon la même étude.
- En entreprise, un employé passe en moyenne 8,8 heures par semaine à lire et rédiger des e-mails, combiné à 7,5 heures de réunions virtuelles. Cela représente un total de plus de 16 heures par semaine consacrées à des activités de prise d’information (étude Microsoft, 2023), contribuant à un épuisement cognitif.
Le constat ? La fatigue informationnelle ne touche pas seulement les grands consommateurs de nouvelles. Elle concerne aussi les professionnels, les étudiants… Et toute personne confrontée à une surcharge d’informations dans son quotidien.
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Quelle sont les principales causes de la surcharge informationnelle ?
La fatigue informationnelle ne surgit pas du jour au lendemain. Elle résulte de plusieurs facteurs qui se sont intensifiés ces dernières années, avec la montée en puissance du numérique et des réseaux sociaux. Décryptons les mécanismes qui alimentent cette surcharge cognitive.
1. Une explosion des canaux d’information
Il y a encore 20 ans, la majorité des Français s’informaient via la télévision, la radio et la presse écrite. Aujourd’hui, les sources d’information se sont démultipliées, en France comme ailleurs :
- Presse en ligne et blogs spécialisés : accessibles 24h/24, publiant du contenu en continu.
- Réseaux sociaux : Facebook, Twitter, LinkedIn et TikTok, où actualité et opinions se mêlent… obligeant l’utilisateur de ces réseaux à faire du fact checking constant pour s’assurer de la qualité de l’information diffusée.
- Newsletters et podcasts : formats de plus en plus populaires, qui ajoutent à la charge cognitive.
- Médias traditionnels (TV, radio) : toujours influents mais désormais en concurrence avec le numérique.
Résultat ? Un brouhaha informationnel permanent, où chaque canal tente d’attirer notre attention, créant une pression constante à consommer toujours plus d’informations.
2. Une société de l’immédiateté et du « toujours plus »
L’essor du numérique a profondément transformé notre rapport au temps et à l’actualité. Aujourd’hui, l’information circule à une vitesse fulgurante, créant une pression omniprésente sur notre réactivité.
- Actualité en continu 🚀 : chaînes d’info, nouvelles à toute heure du jour et de la nuit, push notifications et breaking news créent un sentiment d’urgence permanent.
- Le « scroll infini » des réseaux sociaux 🔄 : conçu pour maximiser le temps passé en ligne, il entretient une consommation passive et compulsive de l’information.
- Surcharge de mails professionnels 📧 : en entreprise, les salariés reçoivent en moyenne 121 e-mails par jour selon l’étude Microsoft citée plus haut.
3. La défiance envers les médias et l’effet de saturation
Si nous sommes submergés d’informations, c’est aussi parce que nous avons du mal à faire confiance aux sources. Cette défiance pousse à multiplier les consultations pour vérifier une information, ce qui renforce la surcharge cognitive.
📊 60% des Français estiment que les médias « n’expliquent pas suffisamment bien l’actualité » (Fondation Jean Jaurès, 2022).
📊 36% des Français évitent parfois ou souvent activement l’actualité, selon le Digital News Report 2023 du Reuters Institute.
Ce paradoxe est frappant. D’un côté, nous avons besoin d’être informés. De l’autre, nous rejetons une information jugée trop anxiogène ou biaisée. Résultat ? Une consommation fragmentée et répétitive, qui alimente l’épuisement informationnel.
4. Une illusion de contrôle qui nous pousse à l’excès
Enfin, nous avons tendance à surestimer notre capacité à « gérer » l’information. Nous pensons pouvoir jongler entre plusieurs sources et absorber une quantité illimitée de contenus, alors qu’en réalité :
Notre cerveau est limité
Le modèle de la mémoire de travail, développé par Baddeley et Hitch en 1974, soulignait déjà qu’un être humain ne peut retenir que 3 à 5 éléments simultanés. Ensuite, il entre en surcharge cognitive. Une théorie qui fait consensus depuis.
Les algorithmes façonnent nos habitude
Les recommandations des réseaux sociaux nous enferment dans des bulles d’information, nous poussant à consommer toujours plus de contenus similaires.
L’accumulation d’informations bloque la prise de décision
Plus on lit d’articles sur un sujet complexe, plus il devient difficile de trancher 🤯.
Moralité ? L’infobésité est un piège dans lequel nous tombons souvent inconsciemment. Nous pensons que consommer plus d’information revient à être mieux informé.e… Alors qu’en réalité, cet excès nous empêche de penser clairement.
Bilan de cet état des lieux ?
Nous vivons dans une époque où l’information est omniprésente, immédiate et souvent anxiogène. Cette situation crée une fatigue cognitive généralisée, renforcée par la pression sociale et professionnelle à être constamment à jour. Alors, comment cette surcharge informationnelle impacte-t-elle notre bien-être mental et notre productivité ?
Quels sont les impacts de la fatigue informationnelle sur la productivité ?
La surcharge informationnelle a des répercussions directes sur notre capacité à travailler efficacement, à prendre des décisions et à maintenir une bonne santé mentale.
1. Une concentration mise à mal par l’infobésité
L’un des effets les plus visibles de la fatigue informationnelle est la diminution de la capacité de concentration. Dans un environnement où les sollicitations sont constantes – emails, notifications, réunions virtuelles, réseaux sociaux – notre attention est fragmentée en permanence, ce qui empêche d’atteindre un état de concentration profonde.
📌 Exemple : un employé de bureau est interrompu en moyenne toutes les 11 minutes. Il lui faut ensuite 23 minutes pour retrouver un état de concentration optimal, selon une étude menée par la chercheuse américaine Gloria Mark. Conséquence ? Une perte de productivité massive, où les travailleurs passent plus de temps à gérer des interruptions qu’à avancer efficacement sur leurs tâches.
2. Une surcharge cognitive qui bloque la prise de décision
Lorsque le cerveau humain est submergé par l’information, il peine à prendre des décisions claires et rapides. Ce phénomène, appelé paralysie décisionnelle, est particulièrement visible dans les environnements professionnels où l’analyse d’un trop grand nombre de données peut freiner l’action.
Le sociologue Alvin Toffler a introduit dans les années 70 (déjà !) le concept de surcharge de choix (ou overchoice), dans son ouvrage Le choc du futur. Il décrit comment une abondance d’options complique le processus décisionnel et diminue la satisfaction.
🚨 Cas typique dans l’univers professionnel : la gestion des emails
Prenons le cas du salarié moyen cité plus haut, qui reçoit ses 121 mails quotidiens. Soit autant d’informations, d’avis, d’injonctions… tantôt complémentaires, tantôt contradictoires. Imaginez l’effort que doit accomplir notre cerveau pour analyser et hiérarchiser tout cela ! En réalité, ce flux continu d’informations crée surtout un sentiment d’urgence permanent. Souvent sans réelle valeur ajoutée, il réduit le temps consacré aux tâches stratégiques.
👉 Conséquence : plus on a d’informations, plus il devient difficile d’agir, ce qui freine la réactivité et la productivité.
3. Un impact direct sur la santé mentale des travailleurs
La fatigue informationnelle ne se limite pas à une simple gêne cognitive. Elle a des effets profonds sur le bien-être mental. L’excès d’informations peut générer du stress, de l’anxiété, l’ensemble pouvant conduire au burn out.
Les principales manifestations psychologiques de la fatigue informationnelle au travail ?
- Augmentation du stress 💥et de l’anxiété face à la nécessité de « tout suivre.
- Sentiment d’oppression 🤯 face aux mails et réunions constantes
- Fatigue mentale chronique 😰, qui se traduit par une perte de motivation.
- Déconnexion progressive 😶🌫️ : certains employés finissent par ne plus lire leurs emails et par éviter l’actualité, une forme d’autoprotection.
👉 Conséquence : au-delà d’une simple fatigue, la surcharge informationnelle peut provoquer une détresse psychologique sérieuse et un désengagement professionnel.
4. L’illusion de la productivité : être connecté.e ne signifie pas être efficace
Un autre effet pervers de la surcharge informationnelle est l’illusion de la productivité. Plus on consulte d’informations, plus on a l’impression d’être actif et performant. En réalité, être en permanence connecté.e ne signifie pas mieux travailler. Toujours selon l’étude menée par Gloria Mark, les personnes travaillant sans interruption sont plus productives que celles constamment sollicitées par des emails et notifications. Voilà qui invite à réfléchir. Par ailleurs, le multitâche, qui consiste à jongler entre plusieurs tâches, est un ennemi de la productivité et un ami des erreurs.
👉 À retenir : un travailleur connecté en permanence est souvent moins efficace et plus épuisé qu’un travailleur qui s’astreint à filtrer l’information.
La fatigue informationnelle n’est pas un simple désagrément. Elle impacte la concentration, la prise de décision, le stress et la productivité. Les salariés passent un temps disproportionné à gérer des e-mails et des flux d’information, au détriment des tâches réellement stratégiques. Cette illusion de productivité pousse à une hyper-connexion toxique, entraînant stress, anxiété et burn-out.
Maintenant qu’on a dit tout ça, que faire pour résister, prouver que l’on existe ? Et ceci même si on ne consomme pas toutes les informations disponibles ?
Comment gérer et limiter l’infobésité ?
Face à la surcharge informationnelle, il devient essentiel d’adopter une approche stratégique de notre consommation d’informations. Il ne s’agit pas de rejeter totalement l’actualité ou de se déconnecter du monde. L’objectif est plutôt de reprendre le contrôle sur la manière dont nous accédons, traitons et utilisons les informations au quotidien. Voici plusieurs leviers efficaces pour y parvenir.
1. Filtrer ses sources d’information
L’une des premières causes de la fatigue informationnelle est l’excès de sources et de canaux de diffusion.
📌 Conseils pratiques
- Se limiter à des sources à forte valeur ajoutée : plutôt que de lire 10 articles différents sur le même sujet, choisir 2 à 3 médias de confiance offrant une analyse approfondie.
- Utiliser des agrégateurs RSS ou des outils comme Feedly pour centraliser l’information et éviter la dispersion.
- Se désabonner des newsletters et notifications non essentielles qui envahissent nos boîtes mail.
👉 Objectif ? Ne pas consommer « tout », mais consommer « mieux ».
2. Mettre en place des « fenêtres d’information »
L’un des pièges majeurs de l’hyperconnexion est la consultation compulsive des actualités et réseaux sociaux. Cela entraîne une fatigue mentale et une perte de temps considérable.
📌 Conseils pratiques :
- Définir des créneaux pour consulter l’actualité (ex : matin et soir, 15 minutes maximum).
- Supprimer les notifications push de son téléphone pour ne pas être sollicité.e en permanence.
- Réserver des moments sans écrans (ex : le matin au réveil, avant de dormir).
👉 Objectif ? Reprendre le contrôle sur son rapport à l’information au lieu de subir un flux constant.
3. Adopter une approche « slow information »
À l’inverse de la surconsommation d’informations en temps réel, le mouvement slow information encourage à privilégier une information plus réfléchie et approfondie.
📌 Conseils pratiques :
- Lire des articles de fond et des analyses détaillées plutôt que des brèves répétitives.
- Écouter des podcasts qui prennent le temps d’expliquer un sujet au lieu de consommer du contenu fragmenté.
- Prendre des notes sur les informations importantes pour mieux les assimiler et éviter de les oublier aussitôt lues.
👉 Objectif ? Passer d’une consommation passive et anxiogène à une consommation choisie et enrichissante.
4. Réduire l’empreinte informationnelle au travail
En entreprise, la surcharge informationnelle est souvent exacerbée par un excès d’e-mails, de réunions et d’outils collaboratifs mal utilisés.
📌 Conseils pratiques :
- Pratiquer le « batching » des emails : ne consulter et répondre aux mails qu’à certains moments de la journée au lieu de les traiter en continu.
- Favoriser des outils collaboratifs clairs (Notion, Trello, Slack, etc.) pour centraliser les informations et éviter la dispersion. À condition toutefois de fixer des règles claires d’utilisation pour éviter la multiplication des canaux et la perte de temps en découlant pour trouver la bonne information…
- Rationaliser les réunions : privilégier des formats courts et bien préparés plutôt que des discussions sans objectif précis.
👉 Objectif ? Alléger la charge cognitive au travail pour gagner en efficacité et en sérénité.
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5. Accepter de ne pas tout savoir
Enfin, l’un des pièges de la fatigue informationnelle est la pression implicite à tout suivre et tout comprendre. Qu’on se le dise : c’est im-pos-sible.
📌Conseils pratiques :
- Accepter de manquer certaines actualités : les informations vraiment essentielles finiront toujours par nous parvenir.
- Se concentrer sur les sujets qui nous concernent directement, plutôt que de vouloir absorber l’actualité mondiale en permanence.
- Développer son esprit critique pour éviter d’être noyé.e sous un flot d’informations inutiles ou biaisées.
Alors, quel objectif se fixer ? Lâcher prise sur l’illusion du « tout savoir » afin de préserver son équilibre mental.
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Vers une meilleure « hygiène » informationnelle ?
La fatigue informationnelle n’est pas une fatalité, mais un défi à relever dans un monde saturé d’informations. Plutôt que de subir ce flot incessant, nous avons l’opportunité de repenser notre rapport à l’information : choisir la qualité plutôt que la quantité, cultiver le discernement et redonner de la valeur au silence et à la réflexion. À l’ère du trop-plein, savoir s’informer devient un véritable art ! Pour les managers et les décideurs, il est aussi temps de repenser les pratiques en entreprise : limiter la surcharge numérique, favoriser des communications plus efficaces et encourager un environnement de travail qui préserve la concentration et la sérénité.