« About freedom to show up wathever you want »
Ces dix dernières années, quantité d’entreprises ont expérimenté des alternatives à l’organisation pyramidale traditionnelle. Un mouvement qui reflète une aspiration à construire un monde du travail à la fois plus respectueux des individus, et plus efficace.

Tom Thomison, serial entrepreneur, est un chantre de l’Holacratie. Conscient des limites de nos modes de management, construits autour de la notion de hiérarchie, et du besoin légitime d’un nombre croissant de travailleurs (toutes catégories confondues) à s’organiser eux-mêmes, il a d’abord créé Holacracy.one. Depuis 2015, avec encode.org, il propose des solutions concrètes aux entreprises qui aspirent à évoluer au-delà de l’auto-organisation vers de nouveaux modèles sociaux, juridiques et financiers.

« Wojo : j’aime l’énergie qui règne dans les espaces de coworking […]
et moi-même, je pense résolument « out of the box » Tom Thomison

Selon Tom, l’explosion des espaces de coworking, celle du nombre d’indépendants, la généralisation des pratiques nomades… sont elles aussi les signes de cette (re)conquête d’autonomie et de sens au travail. Mais cette recherche d’une autre voie possible en termes d’organisation et de management, n’est pas si récente que l’on pourrait le croire.
Il y a vingt ans déjà, une entreprise comme Morning Star (des milliers d’employés et un chiffre d’affaire qui se comptait en milliards), cherchant « à faire mieux », avait décidé de structurer son activité différemment : elle supprima alors toute autorité centrale et associa toutes les parties-prenantes aux prises de décisions. Gore fit de même, cette fois pour tenter d’enrayer un turn-over trop systématique… et ainsi de suite : de telles expérimentations de soft organization se généralisèrent, toutes créés « maison », toutes hautement inspirantes.

Cependant, selon Tom, malgré cette appétence d’un nombre grandissant d’acteurs pour une redistribution des rôles, le principe reste complexe à pérenniser.
Dans quatre des six sociétés qu’il créées, il a lui aussi cherché une autre façon de travailler. Mais toutes ses initiatives ou process (quand bien même ils recelaient une part de progrès, et en dépit de l’accompagnement de grands cabinets de conseil) avortèrent : aux alentours de 18 mois, l’organisation institutionnelle reprenait le dessus, inéluctablement.

« J’essaie d’être un disrupter, trouver de nouvelles façons d’être […]
J’adore essayer des trucs, et échouer. Et j’ai bien souvent échoué. » Tom Thomison

En 2007, convaincu cependant qu’une nouvelle ère était possible (ce que Tom appelle « the new world of work »), Tom Thomison fonda alors avec Brian Robertson Holacracy.one : pour réfléchir aux options possibles en termes d’amélioration de notre environnement professionnel et rompre enfin avec le primat des organisations conventionnelles. Puis, en 2015, il créa encode.org, dont l’objet est de préparer « l’étape suivante », à savoir : quel modèle d’entreprise succèdera à la soft organization.

Pour élaborer ces règles, Tom a d’abord identifié ce à quoi aspire le travailleur (au sens large) du XXIe siècle : « The new world of work ». Il a identifié cinq notions récurrentes, qu’il nomme marqueurs, et qui sont les fondements d’une soft organization, l’enjeu étant transcender ces notions qui relèvent de l’aspirationnel pour les transformer en pratiques concrètes et opérationnelles.

1 – The new world of work is purposeful :

Venue de l’Holacratie, le « Purpose » va bien au delà de la vision d’entreprise traditionnelle. C’est l’objectif à atteindre qui requiert le consentement, l’adhésion de tous les collaborateurs ; ce que Frédéric Laloux, appelle la « raison d’être ». Une cohésion qui permet à l’organisation de se doter d’une volonté propre, qui transcende les volontés individuelles.

Tom Thomison illustre ainsi le cheminement intellectuel : demandons-nous ce que nous avons à offrir au reste du monde ; ce que nous individu, nous pouvons lui apporter.
Ce faisant, lorsque nous sommes confrontés à des choix, notre décision sera alors motivée par ce que nous cherchons à exprimer (notre raison d’être), ce dont nous avons besoin pour atteindre notre but, notre objectif. Autrement dit, nous prenons nos décisions en fonction d’un objectif supérieur/commun et non plus en exerçant le pouvoir que nous détenons : l’objectif, le « Purpose » se retrouve au cœur de tout.

C’est ce qui fait que l’on se lève le matin avec quelque chose à accomplir, pour aller rejoindre d’autres humains et participer à un projet commun.

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    2 – The new word of work est holarchique :

    NDLR : l’holarchie, qui s’oppose à la hiérarchie traditionnelle (au sens d’une organisation humaine qui repose sur les notions de supériorité/infériorité et donc d’éléments subalternes et dépendants), est la structure qui prévaut dans la nature : à un certain niveau, chaque élément forme un tout accompli, autonome et indépendant. Mais il fait en même temps partie d’un autre tout, d’un niveau supérieur et aux propriétés différentes.

    L’holarchie est une structure organique qui, tout comme la nature, a horreur de ce qui est plat. Il n’en va pas autrement dans le monde du travail qu’il est absurde de vouloir figer arbitrairement dans un cadre prédéfini et sans aspérités.
    Et parce que toute chose est dotée d’une structure qui lui est propre, il convient de réorganiser le travail à effectuer en fonction de l’objectif à atteindre (la raison d’être) : la notion d’organisation pyramidale traditionnelle disparait alors. Il n’y a plus de pouvoir hiérarchique, plus de managers ou autres autorités intermédiaires qui perdent leur objectif de vue, mais une structure composée de plusieurs niveaux d’organisation autonomes en inter-relations, imbriqués et complémentaires, qui captent chaque signal faible pour le mettre au service l’intérêt général de l’organisation.

    3 – The new world of work est dynamique :

    L’homme est « un anticipateur et un planificateur né » et c’est utile ! Mais le monde, désormais global, change à toute vitesse. Chercher à tout contrôler, anticiper ou faire des plans, parfois à cinq ans, est une pure perte de temps !
    Il faut plutôt se donner les moyens, premièrement : d’être ouvert sur le monde extérieur et en veille permanente ; deuxièmement : d’être en capacité d’assimiler l’information pour évoluer vite et avec pertinence.
    Nous avons seulement besoin de process opérationnels pour identifier nos besoins à l’instant T et déterminer l’étape suivante, adaptée à ce besoin. Ni plus, ni moins ! Une façon de raisonner que tout le monde sans exception doit s’approprier au sein de l’organisation : rester connecté à l’instant présent, à la réalité concrète.

    4 – … autonome :

    « J’aime l’idée d’être libre de mes mouvements, de contribuer à un système
    au sein duquel je peux agir à ma guise, en connexion avec les autres »

    Tom Thomison

    C’est là la dimension préférée de Tom : celle qui nous parle de la liberté de poursuivre sa propre voie,d’être soi-même, tout en contribuant à un système plus large, en interaction avec les autres.

    S’il est vrai que l’Holacratie nous rend plus agiles et plus rapides, nous avons néanmoins le droit de ralentir : une liberté d’action rendue possible par le fait que tout le monde suit les mêmes règles.
    L’enjeu dans le « new world of work » est alors d’encoder la façon de distribuer plus d’autonomie et donner aux gens la possibilité de se connaître eux-mêmes, puis d’organiser et de répartir eux-mêmes leurs tâches.
    Une façon de faire qui donne la possibilité à chacun d’être tantôt leader tantôt « follower », en fonction de ce dont l’organisation a besoin à l’instant T et de la prochaine étape identifiée.

    5 – et enfin, transparent :

    C’est le principe de l’Open book management (OBM).
    NDLR : l’OBM est une organisation dans laquelle les salariés travaillent mieux et avec plus de satisfaction lorsqu’on leur permet d’accéder à toutes les informations qu’ils pourraient juger utiles à l’accomplissement de leur mission. Dans ce mode d’organisation, le collaborateur est directement impliqué dans les décisions et partage les risques et les succès avec la direction.

    Pour Tom, cette transparence doit s’étendre à toute l’organisation, peu importe que ce soit moche ou non ! Et devenir universelle : pas de secret de classe, ni de chasse gardée. Si toutefois quelque chose devait être gardé secret, chacun est informé des raisons et associé à la décision de garder cet élément « au coffre ».
    Finalement, la notion de confidentialité disparait dès lors que l’objectif/la raison d’être de l’entreprise est en jeu : chacun, ainsi éclairé, peut participer à la redéfinition de nouvelles règles si nécessaire.
    Il découle de ceci que les tensions ou reproches sont évacués, dans la mesure où chacun a accès au pourquoi et au comment en amont…

    À lire aussi : Transparence, faut-il dévoiler les salaires en entreprise ?

    Conclusion

    Voici donc les grands principes de l’auto-organisation, ceux qu’il faut savoir encoder pour parvenir à une soft organization.
    Finalement, en Holacratie, même en tant qu’entrepreneur, votre organisation vous échappe d’une certaine manière : elle devient une entité à part entière qui poursuit son propre but.
    Un tel mode de gestion convient à tout business. Il est particulièrement adapté pour une organisation qui commence à s’essouffler, lorsque ses collaborateurs protègent leur espace et sont sur la défensive.


    Ce mode de gouvernance, expérimenté et éprouvé depuis dix ans par quantité d’acteurs, redonne à chacun sa légitimité, impacte directement la relation que l’individu entretient avec son travail, mais aussi avec son employeur, et l’idée qu’il se fait de lui-même et de la contribution qu’il peut apporter au monde.

    Pour aller plus avant dans les modalités de mises en pratique, nous vous invitons à visionner le meet-up : cet article vous a en effet présenté la première partie de la présentation de Tom Thomison. Ont suivi des questions puis une seconde partie présentant les moyens opérationnels (rendez-vous à la 43e mn ;-))

    Une synthèse réalisée par Laëtitia, Plume, etc. pour Wojo ; remerciements à Jean-Michel Gode, pour sa bienveillante relecture.

    Au fait, chez Wojo on ne fait pas qu’écrire !

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