Au mois de septembre 2015, Philippe Morel, président de Wojo intervenait sur le Journal du Net pour exprimer son point de vue sur le « travailler autrement ». Retrouvez ci-dessous sa chronique :
La réforme du droit du travail est officiellement en cours. Elle laisse poindre une forme de transfert de responsabilité vers l’entreprise quant à l’organisation du travail. Mais travailler autrement ne s’impose pas à coup de décrets. Les évolutions managériales et technologiques ont un impact bien plus important que le politique.
L’entreprise en réinvention permanente
La pression liée entre autres à la concurrence et aux secousses conjoncturelles d’un côté, et à la digitalisation de l’économie et la dématérialisation du travail de l’autre, imposent à l’entreprise un rythme inédit. Dans une recherche de croissance continue, elle exige d’elle-même une remise en question perpétuelle. Pour cela, l’entreprise n’a d’autre solution que d’innover plus.
Avec l’open innovation et d’autres formes de collaboration mixant les frontières, les entreprises les plus agiles ont compris que seule l’accélération de la transition par une ouverture, tant interne qu’externe, était un atout certain dans cette quête d’innovation. Et pour la mener à bien, l’entreprise a besoin de se reposer plus fortement sur ses équipes, en décuplant leur capacité à innover, à inventer.
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De nouvelles attentes individuelles
Demande de plus d’autonomie, de respect des différences, de responsabilisation : en réclamant un rapport différent à l’entreprise et au management, la génération Z a pavé le chemin pour les collaborateurs qui souhaitent travailler autrement. Dès lors, les managers doivent remettre en question leur façon de motiver les équipes, en intégrant notamment travail collaboratif et intelligence collective (notamment mise en avant par l’essor des COOC). L’entreprise libérée telle que décrite par Isaac Getz n’est peut-être pas encore un modèle à généraliser, mais l’idée qu’il faut détacher ses employés d’une hiérarchie verticale trop lourde et au contraire offrir la liberté d’évoluer aux collaborateurs afin qu’ils soient les intrapreneurs de leur propre entreprise est bien là. L’ouverture redonne l’envie au collaborateur, libérant ainsi tout son potentiel de créativité, vitale à la prospérité de l’entreprise. Travailler autrement pour travailler mieux, voilà un programme solide.
La technologie, outil et acteur du changement
La technologie libère. De nouvelles formes d’emplois notamment dans l’économie collaborative et dans le secteur des services ont pu voir le jour grâce au digital. Plus généralement, en France, on n’a jamais autant créé autant d’entreprises et startups, et la digitalisation n’est pas étrangère au phénomène : en 2014, d’après l’Insee, quelques 550 000 sociétés ont vu le jour – en comptant les auto-entrepreneurs.
Et au sein de l’entreprise, c’est bien le digital qui a permis ces petites révolutions que sont télétravail, horaires décalées, nomadisme et coworking. Partout, le numérique a contribué à favoriser l’ouverture nécessaire au processus de mutation global de l’économie, en libérant entreprises, collaborateurs et travailleurs. Au-delà, la généralisation de l’adoption du numérique laisse entrevoir de nouvelles formes d’emploi, où les volontés d’entreprenariat peuvent se concrétiser, où différentes formes de travail peuvent cohabiter et où revenu ne veut plus nécessairement dire salaire : apparu comme une évidence ces dernières années dans ce nouveau paysage économique et sociétal, la montée du travail indépendant est une tendance lourde aux US notamment où l’on compte déjà 15,5 millions de travailleurs indépendants et où l’on estime que en 2020, 40% de la population active sera indépendante (source Rapport Intuit 2010). Une vraie alternative au salariat ? Et pourquoi pas. Digitalisation et création d’emplois voire de nouvelles formes d’emploi peuvent aller de pair.
Si ces mutations majeures sont bien en cours, un point fait défaut à la transition qui s’opère dans le monde du travail : le collaborateur libéré dans une entreprise ouverte au cœur d’un monde digital a aussi besoin d’un nouveau lieu pour se réaliser.
L’indispensable révolution du lieu
Les mutations actuelles au cœur du monde du travail rendent en effet inéluctable et souhaitable la révolution de l’immobilier tertiaire. Sur ce front, pourtant, rien ou presque n’a changé depuis plusieurs dizaines d’années : l’open space, voulu plus comme un mode de rationalisation de l’espace que comme une source de collaboration, date de 1920, et c’est le même que celui de 2015 (!)
L’économie a beau se dématérialiser, ses acteurs n’en restent pas moins physiques. Les limites du home office et des conférences téléphoniques contribuent à le rappeler : un « lieu à partager », où travailler ensemble pour que chacun puisse révéler le meilleur de lui-même, reste important – et souhaité – par les collaborateurs et les indépendants. Mais quel lieu ?
Idéalement, un concept pensé comme une « pension de famille » pour pouvoir se consacrer à 100% à son business ; où tout est fait pour que l’on passe de la notion d’immobilier rigide, cher et synonyme d’engagement, à celle d’atout serviciel de premier plan ; un lieu qui redonne de la flexibilité et de l’air à l’entreprise parce qu’il saura s’adapter aux fluctuations économiques. Et enfin un lieu confortable, empreint d’une atmosphère, pour que chaque collaborateur – qu’il soit salarié, indépendant ou chef d’entreprise – puisse collaborer, créer, grandir et s’épanouir.
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Et vous, vous aimez retrouver votre bureau le matin ?
J’en suis persuadé, repenser le lieu de travail peut contribuer à créer du plaisir au sein des entreprises. C’est même peut-être le chaînon manquant pour générer de la valeur partagée, et donc de la créativité, de la croissance et de l’emploi. Révolutionner les usages de l’immobilier tertiaire peut contribuer à mieux embrasser la mutation tant économique que sociologique et environnementale en cours. Mettre en place toutes les conditions susceptibles de favoriser, physiquement, l’accès au travail, sous toutes ses formes – dont certaines sont peut-être encore à inventer – est possible. S’il est certain que la grande mutation de l’emploi n’est pas terminée et que le gouvernement prépare ses annonces pour 2016, certains chantiers majeurs, dont celui du lieu de travail, sont à 100% du ressort de l’entreprise. La remise à plat du lieu de travail, demain, ce sont les collaborateurs qui l’exigeront.